Les villes de Gao, de Tombouctou et de Kidal, trois des principales métropoles du nord du pays, tombées fin mars sous le contrôle des rebelles du MNLA qui combattent l’autorité centrale de Bamako, ont sonné le glas de l’intégrité territoriale du Mali. Les nouveaux maîtres de la moitié nord du pays ont proclamé, hier, l’indépendance de l’Etat de l’Azawad.
Le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) via son porte-parole Mossa Ag Attaher, invité sur le plateau d’une chaîne de télévision française en a fait l’annonce solennelle. «Nous proclamons solennellement l’indépendance de l’État de l’Azawad», a ainsi annoncé le représentant du MNLA, quinze jours après le coup d’État militaire contre le régime du président malien Amadou Toumani Touré. La principale composante de rebelles Touaregs qui souhaitaient depuis plusieurs années s’affranchir du pouvoir de Bamako, dans l’espoir de créer un vaste État autonome dans la région de l’Azawad, au nord du pays, a donc, sur le papier, réussi son pari qui il y a quelques jours étaient impensable. «Le Mali en tant que pays qui englobe le Nord et le Sud n’existe plus aujourd’hui», a affirmé Mousa Ag Attaher hier matin sur la chaîne BFM TV. L’Azawad est une région considérée comme le berceau naturel des Touaregs constitués d’une communauté de quelque 1,5 million de personnes, selon l’estimation fournie par Mousa Ag Attaher. Le MNLA a réussi, sur la carte géographique, à récupérer plus de
50 % de la superficie du territoire malien. Le Mali est désormais coupé en deux. Au Nord, l’Etat de l’Azawad et au Sud, ce qui reste du territoire du Mali. Le MNLA, qui a décrété la fin des opérations militaires au Nord après la prise de Tombouctou, n’a pas de visées expansionnistes. «Nous respecterons toutes les frontières du découpage colonial qui sépare l’Azawad des autres pays voisins», a promis le porte-parole. Pour autant, il semble que le mouvement de l’Azawad ne contrôle pas la totalité du territoire dont il vient de proclamer l’indépendance. Le nord du Mali est aujourd’hui un «désordre» pour les Etats de la région et un enjeu pour le mouvement Azawad, pour les islamistes d’Ansar eddine, invités de dernière minute dans la crise malienne, dirigés par le chef touareg, Iyad Ag Ghaly, et des éléments du Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao), groupe dissident d’Al Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) qui ont depuis lors pris le dessus sur le Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA) à Gao. Une montée en puissance qui suscite des inquiétudes des pays limitrophes du Mali et de la communauté internationale. L’Algérie, «n’acceptera jamais une remise en cause de l’intégrité territoriale du Mali» et prône le dialogue pour régler la crise, a déclaré le Premier ministre Ahmed Ouyahia au journal Le Monde ce vendredi. Il a ajouté que le Comité d’état-major opérationnel conjoint (Cemoc) regroupant l’Algérie, le Niger, le Mali et la Mauritanie, se réunirait «dans les prochains jours» à Nouakchott pour examiner la situation au Mali. L’Union africaine (UA), l’Union européenne (UE) et la France, ex-puissance coloniale, ont rejeté cette déclaration unilatérale comme «nulle et non avenue» ou «sans aucune valeur», selon Jean Ping, président de la Commission de l’UA. Invoquant notamment «le principe fondamental de l’intangibilité des frontières» héritées de la colonisation, Jean Ping a appelé «toute la communauté internationale à soutenir pleinement cette position de principe de l’Afrique». Les voisins du Mali membres de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao), qui ont imposé un embargo diplomatique et économique total au Mali quelques jours après le coup d’Etat, ont toujours clamé leur attachement à l’intégrité territoriale de ce pays membre de l’organisation. Ils envisagent d’y envoyer une force militaire de 2.000 à 3.000 hommes pour la préserver : les chefs d’état-major des armées de la Cédéao, réunis jeudi à Abidjan, ont élaboré un mandat pour cette force. Toutefois, il semble qu’une opération militaire internationale pour stabiliser un pays désormais coupé en deux paraît difficile à mettre en œuvre. La France a d’ores et déjà exclu toute intervention directe, le ministre des Affaires étrangères français qualifiant même de «surréaliste» la demande d’aide militaire du chef de la junte au pouvoir, le capitaine Amadou Haya Sanogo. Les États-Unis ne semblent pas non plus envisager une opération à long terme. L’an dernier, en pleine crise ivoirienne, l’hypothèse de l’envoi de troupes africaines avait été évoquée, avant d’être vite abandonnée face aux difficultés. L’immensité du Mali pose aussi un sérieux obstacle. L’intervention de la Cedeao ne pourrait se concevoir qu’en collaboration avec les pays voisins : la Mauritanie et l’Algérie. Il y a le précédent mauritanien. Les forces aériennes de ce pays sont intervenues par deux fois au Mali dans des opérations «préventives» contre des groupes terroristes. L’opération pourrait se répéter. Et cette fois-ci, elle serait élargie à d’autres pays qui pourraient fournir les «renseignements» et les aides «logistiques» que la Mauritanie est loin de posséder.
Par : Sadek Belhocine