28 candidats à l’émigration clandestine, en fuite depuis la nuit de jeudi à vendredi, ont été arrêtés samedi après une traque qui a duré 12 heures.
Ce qui porte à 250 candidats à l’émigration clandestine arrêtés depuis le mois de juin 2009 par les gardes-côtes de Annaba. Le moment est grave.
Le problème est d’une complexité telle qu’aucune réponse à ce problème ne semble pour le moment répondre de manière efficace à ce phénomène.
Le désarroi est total. Le drame d’une violence inouïe. Autant sur le plan physique que psychologique.
Les jeunes Algériens, du moins, ceux qui ont pris la décision de fuir le pays coûte que coûte, se sont transformés en «kamikazes des mers».
Ils affrontent ceux qui sont chargés de les poursuivre, de les pourchasser, pour très certainement, afficher leur détermination.
La mort ne leur fait pas peur et leur acte qui est passible de prison est loin de constituer un mode de dissuasion. Les drames s’ajoutent aux drames.
Les familles s’endeuillent. Combien des leurs auront péri en mer? Les douleurs sont insupportables, mais ils ne reculeront pas tant que leurs problèmes ne seront pas pris efficacement en charge.
Dans une lettre ouverte adressée au mois de janvier 2009 à Abdelaziz Belkhadem qui avait déclaré à l’époque sur les ondes de la Chaîne III: «S’il y a des solutions miracles pour les harraga nous sommes preneurs», Yasmina Khadra s’est adressé ainsi à l’ex-chef de gouvernement: «Comment peut-on sévir contre une jeunesse effroyablement désenchantée alors qu’il est question de la sauver de l’ennui en train de la chosifier ? Comment ose-t-on jeter en prison de jeunes gens qui ont choisi de risquer leur vie au large de la mer plutôt que de moisir au pied des murs défigurés ou à l’ombre de cafés sinistrés?», pour ajouter presque en guise de conclusion «depuis quand les geôles sont-elles des cures thérapeutiques, un antidote, une panacée? Incarcérer les harraga est un non sens, une absurdité».
La révolte de l’écrivain, sans encombre, traite le problème dans tous ses aspects.
Il sera reposé dans toute sa nudité, dans toute sa cruauté, encore plus demain qu’aujourd’hui. Il était utile nous a-t-il semblé d’y faire à nouveau référence.
La loi qui punit de 2 à 6 mois de prison et de 20.000 à 60.000 dinars toute personne qui tente de quitter illégalement le territoire national n’a été d’aucun effet sur le phénomène de la «harga».
Les chiffres le prouvent à plus d’un titre. Près de 4000 cas ont été recensés uniquement en ce qui concerne l’année 2008.
Contre quelque 1500 en 2007. La courbe est exponentielle. Elle ne risque pas d’être inversée de sitôt.
Le ministre de la Justice, garde des Sceaux, avoue son impuissance. «La Commission interministérielle qui s’est penchée depuis plusieurs mois sur ce dossier n’a pas réussi à véritablement cerner les causes qui sont à l’origine de ce phénomène» a déclaré, au mois de janvier de cette année, Tayeb Belaïz.
N’aurait-il pas été plus judicieux d’instaurer une commission pluridisciplinaire composée de travailleurs sociaux, de psychologues, de sociologues…avec les principaux concernés ?
N’a-t-on pas organisé des assises de la stratégie industrielle, du tourisme…pour les maigres résultats que personne n’ignore ?
Le phénomène des harraga est à traiter en urgence. Il s’agit de sauver des vies humaines.
Des forces vives de cette nation qui sont données en pâture à la faune aquatique de la mer Méditerranée.
Un gâchis dont le prix humain est très fortement payé. Il n’y a pas plus aveugle que celui qui ne veut rien voir et de plus sourd que celui qui ne veut rien entendre.
La harga est l’aboutissement d’un long processus de désocialisation. Il touche particulièrement les jeunes mis, très tôt, en situation d’échec scolaire.
Ils proviennent dans leur immense majorité des catégories sociales les plus défavorisées.
Leurs tentatives sont désespérées et elles s’apparentent à ces tentatives de suicide qui apparaissent comme des sortes de lumière libératrice qui mettent fin à un calvaire devenu oppressant, insupportable.
Le geste des harraga est loin de constituer une infraction à la loi. Il est à interpréter avant tout comme un geste d’extrême désespoir.
Un appel au secours auquel il faut être à l’écoute, comme un noyé à qui il faut tendre la main.
Sept harraga interceptés au large de Mostaganem
Sept candidats à l’émigration clandestine ont été interceptés par une unité relevant des gardes-côtes dimanche à 19 miles au nord de cap Kramis (Mostaganem), a-t-on appris de ce corps de la Marine nationale.
Ces aventuriers, qui ont été interceptés tôt le matin à bord d’une barque, avaient pris le départ d’une plage de la côte est de Mostaganem.
La même source a ajouté que ce groupe de jeunes, issus de Mostaganem et ses environs, et dont l’âge ne dépasse pas la trentaine, a été reconduit à 13 heures au port de Mostaganem.
Mohamed TOUATI