Depuis hier, les Etats-Unis d’Amérique connaissent leur deuxième «shutdown» après celui de 1995 qui a sauvé à l’époque Bill Clinton. La première puissance mondiale, paralysée, se trouve sans budget pour l’année 2014 en raison de l’échec du Congrès à adopter un budget avant la date limite. Résultat des courses : fermeture des services publics mettant près d’un million de fonctionnaires en congé forcé sans salaire.
Une mesure draconienne qui épargne toutefois les fonctions essentielles, dont la sécurité.
Ainsi, dix-sept ans après, l’Etat fédéral américain est au chômage technique faute d’accord entre la Chambre des représentants, à majorité républicaine, et le Sénat à majorité démocrate. Ils ne sont pas parvenus à trouver un accord sur le projet de budget, butant principalement sur la loi sur la santé dite «Obamacare», pourtant votée en 2010, forçant de ce fait la Maison-Blanche à appliquer un «shutdown» (fermeture) (*). Durant plusieurs jours, représentants et sénateurs se sont renvoyés le projet de budget, les premiers faisant tout pour revenir sur l’Obamacare, les seconds rétablissant le texte d’origine. L’échec marque le point culminant de 33 mois d’un bras de fer continu sur le budget entre les démocrates et les républicains, qui ont repris le contrôle de la Chambre en janvier 2011. La Maison-Blanche a donc ordonné peu avant minuit aux agences fédérales de déclencher la cessation partielle de leurs activités et la mise en congé sans solde de leur personnel «non essentiel», jusqu’à ce que le Congrès adopte un budget.
Même si les fonctions régaliennes de l’Etat fédéral, justice, sécurité, FBI, opérations militaires extérieures, les dépenses sociales, le contrôle aérien ou les inspections de santé, seront assurées, cette fermeture des services publics, bien que temporaire, aura inévitablement des répercussions sur les fonctionnaires et les citoyens américains.
Une pomme de discorde nommée «Obamacare»
La raison du blocage s’appelle «Obamacare», le surnom de la réforme du système de santé de Barack Obama. Les républicains exigeaient que tout accord budgétaire revienne, d’une manière ou d’une autre, sur cette loi emblématique du premier mandat de Barack Obama, votée en 2010. A partir de mardi, des millions d’Américains démunis d’assurance maladie vont pouvoir s’inscrire sur internet pour bénéficier d’une assurance subventionnée à partir de janvier 2014. Tout Américain devra être assuré à compter de cette date, sous peine d’une pénalité fiscale d’un montant d’abord symbolique (95 dollars en 2014).Cette obligation, validée par la Cour suprême, est assimilée à un abus de pouvoir par les républicains. Ils arguaient aussi que la loi n’était pas tout à fait prête, le gouvernement ayant reconnu que les systèmes informatiques ne seraient pas opérationnels dès le premier jour.
Sénat et Chambre devaient reprendront leurs travaux hier mardi, à partir de 13h30 GMT. «Retour à la case départ», a conclu le porte-parole de M. Reid.
Quelles seront les conséquences ?
Barack Obama avait prévenu que ce shutdown «aura des conséquences économiques très réelles pour des gens dans la vraie vie, et tout de suite». Cette situation durera jusqu’au vote d’une nouvelle loi de finances par le Congrès, ce qui pourrait prendre des jours, voire des semaines. En outre, les 800 000 fonctionnaires mis en congé sans solde sont sommés de n’exercer aucun travail pendant leur congé forcé, sous peine de lourdes sanctions. Et pour cause, le Congrès américain avait durant les précédents shutdown, adopté une loi remboursant rétroactivement les jours de chômage technique des fonctionnaires.
Cependant, le plus d’un million de travailleurs, considérés comme «essentiels» pour le fonctionnement de l’Etat, devront continuer à travailler et seront obligatoirement payés pour leur travail, mais éventuellement avec des retards. Les deux chambres du Congrès ont également approuvé un texte, promulgué juste avant l’officialisation du shutdown, qui garantit que les militaires seront payés à temps, sans retard, quoi qu’il arrive. «Les opérations militaires en cours, comme nos opérations en Afghanistan, continuent», a déclaré Barack Obama. Concrètement, l’un des aspects les plus visibles de ce shutdown sera la fermeture de plus de 400 parcs nationaux et musées à travers le pays, ce qui pourrait se traduire par un impact négatif de plusieurs millions de dollars pour le tourisme. C’est également le cas de la NASA qui elle aussi est presque complètement fermée avec 97% des 18 000 employés forcés de rester chez eux.
Impact limité à l’international
Au plan international, la paralysie temporaire de l’Etat fédéral américain ne menace pas l’économie mondiale. Du moins pour l’instant. Néanmoins, un accord politique entre républicains et démocrates devra être trouvé avant le 17 octobre, date butoir faisant que les capacités d’emprunt des USA seront épuisées.
Ceci étant, même si cette situation ne semble vraiment pas inquiéter les marchés financiers asiatiques et européens, le véritable risque reste concentrer sur les négociations autour du relèvement du plafond de la dette avant le 17 octobre. «Un échec peut avoir des conséquences sérieuses» pour l’image financière des Etats-Unis dans le monde, estiment des analystes. Ainsi, «dans le cas où le plafond de la dette n’est pas relevé d’ici la mi-octobre, les Etats-Unis pourraient ne pas être en mesure de faire face à toutes leurs obligations», a rappelé hier l’agence de notation Standard and Poor’s, ce qui entraînerait mécaniquement la sanction : une note infamante de «SD» (Selective Default), contre un AA+ actuellement.
Les fermetures coûteront 200 millions de dollars par jour
Il est à souligner que le coût des fermetures est évalué à 200 millions de dollars par jour. Les Etats-unis peuvent supporter deux ou trois jours de pertes à ce niveau. Au-delà, la situation deviendra particulièrement grave. En 1995, une crise similaire avait duré trois semaines, le «shutdown» des agences fédérales ayant duré du 16 décembre 1995 au 6 janvier 1996. Rappelons cependant que les Etats-Unis sont un Etat fédéral et que de nombreux services dépendent non de Washington mais des Etats.
Par Lynda Naili Bourerbab
*Le «shutdown», qu’est-ce que c’est ?
«Shutdown», en anglais signifie fermeture. Le terme désigne l’arrêt du fonctionnement de nombreuses administrations et services fédéraux aux Etats-Unis. Le «shutdown» est prévu par la loi américaine dans le cas où le budget n’est pas voté par le Congrès. C’est ce qui vient de se produire.
L. N. B.