Le 18 mars 1962, les accords d’Évian mettent fin à la « guerre sans nom ». Onze années de combats meurtriers qualifiées d’un côté comme « maintien de l’ordre » et de l’autre comme « révolution ». Onze années de conflit, située principalement en Algérie qui mettront deux millions d’hommes dans la tourmente.
Reconnu seulement en 1999, le bilan est lourd : 30 000 tués ou disparus et 250 000 blessés ou malades sans compter le désarroi des populations et le déracinement d’un million de civils. Une épreuve qui reste à jamais gravée dans la mémoire de milliers d’anciens combattants dont Jean-Pierre Marchand, écrivain et conteur. Mobilisé en 1961, il sera affecté aux commandos de chasse différenciés par leurs bérets noirs. « Il y a trois semaines, les événements parisiens m’ont fait resurgir en mémoire les mitraillages des terrasses et la chasse à l’homme dans les rues d’Alger. » Il réchappera du conflit par miracle (voir Le Gosse qui rêvait de la mer aux éditions Bertout) et mettra quarante ans à en parler.
« Pour un travail de mémoire »
Aujourd’hui membre de la commission départementale et nationale « Mémoire Histoire » de la Fnaca (Fédération nationale des anciens combattants en Algérie Maroc et Tunisie), l’historien a travaillé avec son épouse Nadine au recensement des 411 tués et 9 disparus en Seine-Maritime. « Notre département, un des plus peuplés à l’époque, a payé un lourd tribut. Ne les oublions pas », déclare le couple qui a monté en 2010 une association pour le projet de construction d’un mémorial départemental. « Il en existe 88 en France et aucun en Seine-Maritime. » Pour un « travail de mémoire et non de devoir », « un porteur de souvenir, un repère visuel permanent », Jean-Pierre et Nadine Marchand consultent l’architecte Caroline Camillerapp et le sculpteur Jean-Marc Depas. « Ils se sont imprégnés dans l’histoire de notre vécu, dans notre émotion. Avec leurs talents, grâce à la gravure des patronymes dans le marbre noir et deux statues de femmes symbolisant la mère, la femme ou la sœur et entre deux, l’attente et la mort, les artistes transposent la tragédie. »

La création se positionnera, place Carnot, près du siège du conseil départemental. « La ville de Rouen nous a concédés à l’unanimité le terrain. Maintenant, il faut financer les 141 000 euros. Nous avons sollicité les autorités, les élus et les associations. Certains nous ont répondu et ils nous subventionnent. À l’instant, nous avons 40 000 euros et attendons encore de l’aide. » Une souscription est d’ailleurs lancée afin de rendre hommage aux disparus d’une guerre toujours sans nom.
Association du mémorial départemental de la Seine-Maritime « Algérie Maroc Tunisie 1952-1962 », 14, rue du Château, Quévreville-la-Poterie.