« Un maillot pour l’Algérie » : l’aventure de la première équipe de foot algérienne en BD

« Un maillot pour l’Algérie » : l’aventure de la première équipe de foot algérienne en BD

Une bande dessinée revient sur l’incroyable épopée de la première équipe de football algérienne, celle du FLN. En avril 1958, une dizaine de joueurs évoluant en France quittent le pays clandestinement pour créer leur sélection.

Lundi 14 avril 1958. Quatre hommes roulent vers la Suisse depuis la France. Au poste frontière, les douaniers n’en croient pas leurs yeux. À l’intérieur de la voiture, ils découvrent quatre stars du championnat français de football, les Algériens Abdelhamid Bouchouk du Toulouse FC, Abdelhamid Kermali de l’Olympique Lyonnais, Rachid Mekhloufi de Saint-Étienne et Mokhtar Arribi du RC Lens. Après leur avoir fait signer quelques autographes, les hommes au képi les laissent tranquillement passer. Ils ne découvriront que quelques minutes plus tard qu’ils viennent de commettre une sacrée bévue. Ces quatre joueurs ont en effet quitté clandestinement la France pour fonder la toute première équipe de football d’Algérie.

L’histoire, qui a tout d’un bon scénario, a inspiré les auteurs de bande dessinée Galic et Kris et le dessinateur Rey. Soixante après les faits, ils la sortent de l’oubli en publiant « Un maillot pour l’Algérie ». « En Algérie, cette histoire est devenue légendaire, mais en France, elle n’est pas connue. C’est anormal. Moi-même, je n’en avais jamais entendu parler il y a encore quelques années », explique Christophe Goret, dit Kris.

« Ils ont pris des risques fous »

Tout débute à l’automne 1957 , lorsque des membres du Front de libération nationale (FLN) ont l’idée de promouvoir l’indépendance de l’Algérie en bâtissant une équipe de foot. Ils prennent alors contact avec plusieurs joueurs algériens professionnels en France. Certains d’entre eux, comme Mustapha Zitouni et Rachid Mekhloufi sont déjà de grands noms. À l’époque, ils sont même présélectionnés pour jouer avec les Bleus au Mondial 1958 organisé en Suède. Ils décident pourtant de tout plaquer du jour au lendemain pour porter le maillot vert. « Ils ont pris des risques fous, car certains d’entre eux étaient en période de service militaire. Ils étaient considérés comme des déserteurs, des traîtres. Ils ont aussi été hyper courageux, car ils ont tout abandonné : un certain confort, une carrière. Ils se sont séparés de leurs proches, parfois même de leur famille au nom d’un idéal et pour des valeurs, le droit à la liberté », raconte avec beaucoup d’admiration Bertrand Galic, le second scénariste.

La bande dessinée revient sur la rocambolesque épopée de ces « fellaghas au ballon rond » de 1958 à la fin de la guerre. Après leur fuite, ils trouvent refuge en Tunisie, où le président Habib Bourguiba soutient la lutte algérienne. Tunis devient alors le camp de base de ces « ambassadeurs en crampons » de l’Algérie indépendante. Malgré la pression de la Fifa, qui ne veut pas reconnaitre leur équipe, ils réussissent à jouer contre de nombreux clubs européens et asiatiques. Au total, avec très peu de moyens, ils partent en tournée sur plusieurs continents et disputent 83 rencontres, totalisant 57 victoires et 14 nuls.

En France, après un vif engouement médiatique lors de leur spectaculaire échappée, l’intérêt finit par retomber. « La Coupe du monde 1958 en Suède a un peu occulté les événements algériens. Le parcours incroyable des Bleus de Fontaine et Kopa, qui ont été jusqu’en demi-finale où ils ont été battus par le Brésil de Pelé 5 buts à 2 faisait les gros titres », estime Galic.

Pour Kris, le traumatisme laissé par la guerre d’Algérie explique également l’effacement du « onze de l’indépendance » de notre mémoire : « Ce n’est pas une histoire qui est très glorieuse pour la France. Ce sont quand même 12 footballeurs qui vont rejoindre des ‘terroristes’. Après le scandale du départ, on a décidé de mettre notre mouchoir dessus et de l’oublier alors que cette histoire est constitutive de l’identité algérienne, mais aussi de celles des Algériens en France. On ne peut pas comprendre Zidane, mais aussi ‘la France Black Blanc Beur’, si on n’a pas ce recul historique sur ces événements ».