L’affaire de l’arrestation d’une per- sonne recherchée par la police qui a tourné au drame, en juin dernier, à Haï El-Yasmine, à Oran, était, hier, à la barre.
Les principaux accusés: deux policiers.
«Qui a tiré sur la victime ? » C’était la question primordiale à laquelle devait répondre le tribunal criminel d’Oran. Huit personnes comparaissaient au box.
Il y avait deux catégories d’accusés : deux agents de police poursuivis pour «coups et blessures volontaires pour l’un et complicité pour l’autres et six travailleurs d’un chantier de bâtiment, inculpés d’attroupement armé, rébellion, trouble à l’ordre public, ainsi que le vol d’une arme à feu pour l’un d’eux.
Le non aboutissement de l’expertise balistique pour déterminer avec exactitude le type du pistolet, l’arme du crime, a pesé lourdement sur le procès. Les faits: le 1er juin 2009, l’agent M.K, 34 ans, reçoit un ordre de son chef de la 22e Sûreté urbaine, le chargeant de l’arrestation d’un individu recherché, répondant aux initiales B.M.A.
Pour l’exécution de cette mission, il est accompagné de son collègue Z.S de la 21e Sûreté urbaine. Sur leur chemin vers le lieu habituellement fréquenté par le concerné, les deux policiers, alors en civil, aperçoivent fortuitement ce dernier, selon leur version commune.
Ils l’arrêtent, mais à peine ont-ils tenté de lui passer les menottes qu’il parvient à s’enfuir, se retranchant derrière la clôture d’un chantier de bâtiments situé dans la nouvelle cité de Haï El-Yasmine, à l’est d’Oran, toujours selon la version des faits relatée par les deux policiers. Ces derniers traquent B.M.A jusque dans son refuge.
A partir de ce moment précis, il devient très difficile de reconstituer les faits tant il existe une multitude de versions, contradictoires pour la plupart. Le fait commun à toutes les éventuelles variantes, et donc le point indiscutable, c’est que l’intrusion des deux policiers en civil, connus de tous dans ce périmètre, a été très mal accueillie par les ouvriers du chantier, d’autant que la personne qu’ils sont venus arrêter serait, dans le quartier, un ami de certains travailleurs du chantier. L’arrestation musclée dérape, dangereusement.
Et dans des circonstances qui restent très embrouillées, un des employés du chantier, Y.M, 38 ans, reçoit une balle qui lui transperce la poitrine.
La victime succombera à ses blessures dès son évacuation vers les UMC du CHUO. Retour en arrière. Les faits relatés par les deux policiers sont en contradiction avec ceux racontés par le «groupe» de travailleurs, les accusés comme les témoins.
Selon, l’agent Z.S, « nous avons été attaqués par une cohorte déchaînée d’ouvriers armés de pelles et de barres de fer… J’ai reçu un coup de pelle sur la tête et j’ai perdu connaissance…
Quand je me suis réveillé, la victime était déjà touchée, je n’ai rien vu de la scène, mais je doute que mon compagnon soit le tireur…» Pour son collègue, M.K, qui reste l’accusé principal dans cet homicide « involontaire », « après que mon collègue ait reçu un coup de pelle sur la tête qui lui a fait perdre conscience, j’ai vu un des travailleurs qui nous ont agressés prendre le pistolet de Z.S, le manœuvrer, ensuite le diriger vers moi en me disant «à genoux !».
J’ai riposté en sortant mon arme avec laquelle j’ai tiré deux coups de sommation et j’ai couru ensuite pour me sauver.» Bref, M.K nie avoir tiré sur la victime, ni avec son arme, un Beretta 9 mm, ni avec celle de son collègue, pistolet de même type mais de calibre 7,65.
Ce que démentent les six travailleurs accusés qui affirment, unanimement, avoir vu M.K tirer à bout portant sur la victime et ont entendu, ensuite, son collègue lui crier: «tu l’as tué!». Selon la version opposée, «c’est H.M, un des maçons du chantier qui serait l’initiateur du mouvement de rébellion contre les deux policiers afin de les empêcher d’accomplir leur mission d’arrestation et qui serait, également, la personne qui a tiré, accidentellement, sur la victime à l’aide du Beretta 7,65 de Z.S ».
Ceux qui avancent ses assertions, donnent comme preuve, « l’arrestation de H.M, au niveau des UMC, quand il est venu évacuer la victime blessée, en possession du pistolet volé au policier, caché dans sa poche». Fait démenti par le concerné.
Citée à la barre pour éclairer le tribunal, l’experte en médecine légale et balistique a indiqué qu’il était impossible de déterminer le calibre de la balle qui a transpercé la poitrine, côté cœur, de la victime, et ce, a-t-elle précisé, faute d’avoir fourni à son service les habits de la victime.»
Le représentant du ministère public a requis la peine maximale prévue par la loi contre les accusés en bloc. Après les délibérations, les deux policiers ont été condamnés à cinq ans de prison, chacun.
H. Saaïdia