L’auteur retrace avec un art consommé de la formule une tranche de vie de Mourad, jeune prof de français stagiaire et sa famille.
Style truculent, intimiste, phrases en verve, Faïza Guène signe avec ce roman un retour épatant sur l’avant-scène littéraire après cinq ans d’absence de production littéraire. Voilà ce qu’on retient en liminaire.
Mourad d’origine algérienne a toujours vécu en France, à Nice précisément. Son père, un ancien cordonnier, mais aussi ferrailleur, brocanteur… En fait, il récupère tout ce qu’il trouve au grand désarroi de sa mère qui voyait son jardin devenir un genre de « cimetière de ferraille. Ça déborde de partout… ». « Des vieilles machines à laver rongées par la corrosion, de la tôle, des bancs publics, des panneaux de signalisation, une chaise d’arbitre de tennis »… Sa mère, femme au foyer, est comment dire très dévouée. Comme toujours. Ça ce n’est pas très gênant. Ce qui est …c’est qu’elle en attend en retour ». Et après il y a ses deux sœurs : Mina et Dounia. Mina a toujours eu une tendresse pour les vieux. « Adolescente, elle passait ses mercredis après midi à jouer au Scrabble à la maison de retraite ». « Elle y travaille aujourd’hui ». A 20 ans, Mina a rencontré Jalil, un aide soignant de la maison de retraite et ils ont trois enfants.
Sa deuxième sœur, Dounia, n’a pas eu la même voie, la même vie. Très tôt elle s’est rebellée contre les règles de sa famille. » Les conflits sont devenus de plus en plus fréquents. Dounia rentrait de plus en plus tard, sans rendre compte à personne et ne racontait que très peu de choses sur sa vie. Cependant Dounia a réussi brillamment sa formation et est devenue avocate comme elle le voulait ». Puis elle a quitté la maison « les yeux embués, sans se retourner… 10 ans sans la voir ». Mourad lui, entretemps, a continué à grandir, bon élève mais toujours seul. D’ailleurs la solitude l’avait conduit à aimer les lettres et enseigner le français. Il a réussi à décrocher le Capes, le certificat d’aptitude au professorat de l’enseignement du deuxième degré. Mais pour son premier poste, on l’a envoyé en région parisienne, en Seine-Saint-Denis, le 93, au grand dam de sa mère. « Si j’avais su que tu deviendrais professeur on serait retournés en Algérie après la retraite de votre père. Là-bas les enseignants sont respectés au moins ».
Mourad va donc partir pour Paris où il sera hébergé par son cousin Miloud, un drôle de personnage celui-là aussi. Car « Miloud avait passé beaucoup de temps assis aux terrasses des cafeterias algéroises dans sa jeunesse. C’était un amateur de presse ». Il a changé. « Ce n’était plus du tout le jeune homme que j’avais laissé à Alger ; celui qui, en se levant le matin, se nettoyait les yeux avec sa salive », écrit Faïza Guène. Maintenant, il fréquent Liliane, une bourgeoise fortunée qui réside au XVIe arrondissement de Paris. Elle a même un majordome, Mario. C’est dire … « C’était une grande bourgeoise, chargée d’un nom à particule, traînant des comptes en banques en Suisse, des biens immobiliers ». « L’appartement de Liliane est bondé comme un wagon de la ligne 6 à 18h40 », glisse l’auteure dans son roman. Liliane a un demi-siècle et un fils unique, Edouard, qui vit à New York.
Par ricochet donc, Mourad est hébergé par Liliane et Miloud. C’est dans ce contexte qu’il va commencer sa vie de professeur au collège Gustave Courbet. Son père, souffrant d’un AVC, avant qu’il ne parte de Nice a exprimé à Miloud son souhait de revoir sa fille Dounia avant de mourir. C’est à Paris que Mourad reprend contact avec sa sœur qu’il emmène revoir son père.
Voilà à grands traits la trame de Un homme, ça ne pleure pas. Avec ce roman, Faïza Guène a montré tout son talent d’écrivain à sensibilité singulière. L’écriture y est sans fioritures, simple mais parfois très inspirée. Un roman qui se lit d’un trait
Kassia G.-A.
Un homme, ça ne pleure pas, de Faïza Guène aux éditions Fayard.