Un évènement dans la vie de Aït Ahmed : l’évasion de la prison d’El Harrach le 1er mai 1966

Un évènement dans la vie de Aït Ahmed : l’évasion de la prison d’El Harrach le 1er mai 1966

La vie de Hocine Aït Ahmed, récemment décédé, fut marquée par un  évènement majeur : son évasion le 1er mai 1966 de la prison d’El Harrach, dans la banlieue est d’Alger, où il était détenu.

Hocine Aït, ancien membre du « comité des 9 » qui déclencha l’insurrection du 1er novembre 1954, s’est trouvé au lendemain de l’indépendance, en septembre 1962, en désaccord avec Ahmed Ben Bella, sur la question du pluralisme politique. Celui-ci, devenu président du Conseil, voulait transformer le FLN, dont il était membre du Bureau politique, en parti unique. Aït Ahmed était pour le multipartisme.

L’idée d’Ahmed Ben Bella s’étant imposée avec l’appui de Houari Boumediene, chef de l’A N P, Hocine Ait Ahmed créa alors un parti d’opposition, le Front des Forces Socialistes (F F S). Entouré d’anciens officiers des wilayas 3 et 4, il créa un maquis en Kabylie pour s’opposer par les armes au pouvoir.

Arrêté au mois d’octobre 1964 dans la région d’Aïn el Hammam, il fut condamné à mort puis gracié par Ahmed Ben Bella, Président de la République. Il devait être élargi suite à un accord F L N-F F S. Mais …

LG Algérie

Un autre évènement intervint dans la vie du pays : le 19 juin 1965, le colonel Houari Boumediene renversa Ahmed Ben Bella. L’accord F L N – F F S fut caduc et Hocine Aït Ahmed resta en prison.

C’est là qu’intervient son ancien camarade du parti PPA-MTLD des années 1940 : Lakhdar Rebbah.

Lakhdar Rebbah, connu pour avoir été en 1955 le premier assistant d’Abane Ramdane à Alger, jura à Hocine Aït Ahmed de le sortir de prison. Il discuta de son projet avec Mohamed Merzougui, qui fut membre comme lui de la Fédération du Grand Alger du F L N, puis passa à l’acte. Il contacta un gardien de la prison d’El Harrach, Chouli, son ancien codétenu de la prison de Loos, au nord de la France.

La date du 1er mai 1966 fut retenue. Chouli fit sortir Hocine Aït Ahmed, vêtu d’un voile, au milieu des nombreuses femmes de sa famille venues lui rendre visite. Devant la lourde porte de la prison, une voiture R 4 attendait. Le désormais fugitif fut conduit, dans un premier temps, au quartier du lycée Abane Ramdane où l’attendait Lakhdar Rebbah. Celui-ci, accompagné de son neveu, le prit en charge et l’emmena dans sa villa à Alger-Plage où son départ vers le Maroc fut mis au point.

Accompagné par Chouli, le « fugitif » prit le chemin de l’ouest dans un camion de transport de meubles appartenant à la famille Rebbah.

La frontière avec le Maroc fut traversée sans encombre. Libre, Hocine Aït Ahmed retrouva son beau-frère Mohamed Khider, en exil depuis quelques temps. Ils partirent ensemble en Suisse.

Lakhdar Rebbah, dit El Ghazal, le militant utile et efficace comme le disent ses compagnons de lutte, a tenu parole.

Qui était  Lakhdar Rebbah ?

Le 6 février 1989 était accompagné  à sa dernière demeure, Lakhdar Rebbah, décédé à Alger, à l’âge de 72 ans, à la suite d’une grave maladie contractée à la suite des sévices subis lors de son arrestation au mois d’avril 1956.

Né le 26 février 1917 au douar Ouled Djenane,  au flanc nord du djebel Dira, dans la commune mixte d’Aumale (aujourd’hui Sour el Ghozlane), il grandit en ville, à Belcourt qu’il rejoignit avec ses parents en janvier 1919.

Il adhéra au Parti du Peuple Algérien (PPA), dans les années 1936-1937, à la kasma des Tramways d’Alger (TA). Il était à l’époque receveur aux TA. Il jouait en même temps à l’équipe de football de l’ASTA.

En février 1955, il fut chargé par Krim Belkacem d’héberger Abane Ramdane et de l’assister dans toutes les tâches dont il avait la charge. Il habitait rue Hélène Boucher, au Ruisseau.

Dans son étude consacrée à la vie d’Abane Ramdane, l’historien Khalfa Mameri écrit à propos du militantisme de Lakhdar Rebbah : « Ce témoin ne laisse pas insensible. Il porte la lumière et la joie de l’homme utile sur son propre visage ». « L’homme utile », c’est le souvenir que ce militant de base du PPA-MTLD laisse dans la mémoire de ses compagnons de lutte pour l’indépendance.

En 1966, Lakhdar Rebbah fut à l’origine d’un évènement qui laissa perplexe plus d’un : l’évasion de Hocine Aït Ahmed de la prison d’El Harrach le 1er mai 1966. C’est lui qui prépara le plan de l’évasion du fondateur du FFS. Aidé de  son neveu, iI suivit l’exécution du plan de A jusqu’à Z jusqu’à ce que le fugitif traverse la frontière marocaine à bord d’un camion de transport de meubles accompagné de Chouli, le gardien de prison qui l’aida à s’évader.

Lakhdar Rebbah connut Hocine Aït Ahmed, l’ancien chef de l’Organisation spéciale (OS) du PPA-MTLD,  en 1947, à Belcourt. Il se réfugiait dans sa crèmerie, à l’Allier des Mûriers.

« Je lui avais promis de le sortir de prison », me confia-t-il, lors d’un entretien à Bouhandès, dans le djebel Beni Salah, au sud de Blida, le 13 septembre 1988. Nous assistions au trente et unième anniversaire de la commémoration de la mort au combat de mon frère aîné, Nour Eddine Rebah.

Lakhdar Rebbah, c’était El Ghazal pour ses intimes.

Mohamed Rebah