D’importantes quantités de gaz algérien auraient été livrées frauduleusement à la Société tunisienne de l’électricité et du gaz. C’est, du moins, ce que révèle un douanier algérien que sa direction avait licencié pour dénonciation d’actes de malversation.
Durant près de six mois, au moins, dit-il, soit d’octobre 2010, un peu avant que n’éclate «la révolution de jasmin», à avril 2011, du gaz algérien aurait été exporté sans contrôle des douanes, aucun agent n’étant, semble-t-il, affecté à la mission de vérification durant cette période, d’autant que les instruments de mesure du volume de gaz livré, affirme Rachid Aouine, n’étaient pas valides et ne répondaient pas aux normes.
Ce qui, selon cet agent exerçant à la zone pétrolière de Hassi Messaoud, ouvrait le champ à la prévarication. Il accuse la direction des douanes de cette région d’avoir fait preuve de négligence en s’abstenant de mesurer toutes les trois heures les quantités de gaz produites, ni de vérifier l’appareillage obsolète.
C’est en se rendant lui-même sur place, dans le cadre d’une mission d’inspection à l’usine d’El-Borma, à la frontière algéro-tunisienne, qu’il découvrit les anomalies pouvant couvrir un détournement de gaz au profit, dit-il, de proches du président tunisien déchu, Zine El Abidine Ben Ali, citant l’épouse de ce dernier et l’un de ses gendres, Slim Chiboub, empêtré dans des affaires de blanchiment et de corruption. Les autorités tunisiennes ont demandé son extradition aux Emirats arabes unis où il réside, leur transmettant des «preuves établissant son implication dans différentes affaires de corruption […]».
Intéressé et concerné par cette affaire de détournement de gaz algérien livré à la Société tunisienne d’électricité et de gaz, le gouvernement tunisien aurait, semble-t-il, demandé aux autorités algériennes de lui donner toutes les informations à ce sujet pour ouvrir une enquête destinée à tirer au clair cette histoire qui ne fait que commencer, et ce, malgré les tentatives d’étouffement après la sanction infligée à Rachid Aouine, accusé de diffamation par sa direction. Cet agent assermenté, qui dit n’avoir fait que remplir consciencieusement sa mission en dévoilant un trafic au détriment de l’économie nationale, a été cloué au pilori par sa hiérarchie.
Après avoir été muté à l’inspection des douanes d’Oum El Bouaghi, en guise de sanction disciplinaire, cet agent a été, purement et simplement et sans autre forme de procès, licencié en novembre 2011. L’intéressé a informé le président de la République, le ministre des Finances et le directeur général de l’Office central de répression de la corruption de son licenciement abusif, mais, à ce jour, aucune réponse ne lui a été donnée, et ce, bien que les inspections générales des douanes et des finances auraient établi la véracité des faits.
Pour preuve, affirme-t-il, le bilan des exportations des hydrocarbures de l’usine d’El Borma, pour la période incriminée, a été rapporté par le DG des douanes lequel a, en outre, pris la décision de muter le chef d’inspection des douanes à «l’office du directeur général» et le directeur régional à l’Ecole des douanes de Ben Aknoun. Quant à lui, Rachid Aouine, qui se plaint d’avoir subi de graves pressions psychologiques et administratives pour revenir sur ses accusations, il a été jeté à la rue en violation de la loi et en faisant fi de ses droits d’agent de l’Etat.
Brahim Younessi