«Tajliyat er- Raya», un livre document d’une importance capitale, écrit et mis en ligne récemment, sur certains sites djihadistes, semble faire déjà partie des très rares documents exceptionnellement critiques à l’égard des mouvements islamistes armés d’obédience islamiste.
Son auteur, Ahmed Ibn Hazem Ibn Mohamed Bek Tewfik, un Égyptien, docte et érudit en matière d’islamisme politique international, remontant à l’époque de la «Grande Révolte arabe» de 1916-1918, il remet à jour les infiltrations occidentales, britanniques notamment, dans les cercles décideurs du nationalisme arabe naissant et, documents à l’appui, fait tomber de haut certains mythes fondateurs du nationalisme arabe.
Il débusque aussi quelques lièvres au passage, concernant la manipulation de l’islam politique par les Occidentaux, pour abattre la Sublime-Porte et l’Empire ottoman, et pointe un doigt accusateur sur certains pays arabes, l’Arabie saoudite en tête, ainsi que les États du Golfe, coupables, selon lui, de graves félonies envers l’islam et les musulmans pour asseoir leur pouvoir personnel au nom de la religion.
Les 645 pages du livre sont aussi intéressantes les unes que les autres, mais c’est la partie qui traite des groupes armés, le GIA, notamment, qui nous intéresse ici. Selon l’auteur, qui semble s’être appuyé sur des documents salafistes internes d’époque, c’était Abdelaziz Al-Migren, un Saoudien, membre du Commandement général d’al-Qaïda, qui faisait la jonction entre le convoi d’armes du Maroc vers les maquis du GIA, en Algérie.
Le réseau logistique du Groupe islamique armé, qui activait à partir de Oujda, achetait des armes au profit des maquis algériens et les convoyait au commandement du GIA, avant qu’il soit démantelé par les services secrets marocains.
Le livre, « At-Tajliya », affirme aussi que pour faire diversion concernant l’attentat de Marrakech, de 1994, et dans lequel ont péri des touristes espagnols, le Maroc a réagi de manière intempestive, en suspendant son intégration à l’Union du Maghreb et fermant du coup ses frontières avec l’Algérie.
Suite à quoi, selon l’auteur du livre, les autorités marocaines, pour renflouer leurs caisses et combler les pertes occasionnées par l’arrêt brusque du flux des produits algériens, subventionnés par l’État, qui inondaient le marché marocain, et que les sujets de Sa gracieuse Majesté achetaient à des prix très bas, à Oujda et dans les grandes villes du Royaume, le Maroc fit un effort supplémentaire et réalise un surplus de production de kif dont il inonda toute l’Europe. L’auteur du livre rapporta cette justification officielle du Maroc : « Nous fermons nos frontières pour éviter une contagion islamiste, ce fléau venant d’Algérie ».
C’était en 1994. Aujourd’hui, nous vivons une toute autre histoire. Après la victoire aux élections du Parti de la Justice et du développement, le PJD, c’est le roi luimême, qui demande aux islamistes marocains de former un gouvernement d’union nationale, et de prendre les destinées du pays en main, en son propre nom de «Commandeur des Croyants»…
Pour les profanes en matière d’islamisme politique, Abdelaziz Al-Migren est un ancien gardien de but de football qui a choisi, au sortir de la vingtaine, la violence armée au nom de l’Islam, intégrant al-Qaïda – commandement général-, et faisant des périples djihadistes au long cours entre la Bosnie, l’Algérie, l’Arabie saoudite, où il devint vers 2002, le chef d’al-Qaïda dans la péninsule arabique, l’Afghanistan et la Somalie. Il a été abattu en 2004 dans un accrochage avec les services de sécurité saoudiens, après avoir kidnappé et décapité l’otage américain Paul Marshall Jones.
F.O.