Un décret portant statut de la mosquée publié récemment au Journal officiel vient réglementer cette institution dont le nombre en Algérie se situerait autour de 20 000.
D’emblée, l’article 2 du décret n°13-377 du 9 novembre 2013 définit la mosquée comme “la Maison d’Allah”. Plus qu’un lieu de culte, l’article 4 stipule ensuite que “la fonction de la mosquée est déterminée par le rôle qu’elle assure dans la vie spirituelle, éducative, scientifique, culturelle et sociale de la vie de la Oumma”.
En matière de savoir, une valeur sur laquelle insiste particulièrement la religion musulmane, le décret dispose en son article 6 que “la mosquée assure une fonction éducative et pédagogique, qui consiste notamment dans l’organisation des cercles de récitation et de mémorisation du Saint Coran et l’enseignement des psalmodies et de l’exégèse, l’apprentissage des sciences islamiques conformément aux programmes de l’école coranique, l’organisation de concours de récitation du Saint Coran, de psalmodie et de l’exégèse, ainsi que la mémorisation et l’interprétation de la Sainte tradition du Prophète ; l’organisation de cours de soutien dans les différents paliers d’enseignement selon les programmes en vigueur dans les établissements de l’éducation et de l’enseignement, la contribution à l’organisation des cours d’alphabétisation, la sensibilisation des pèlerins, la dispense de cours de morale et d’éducation religieuse et civique”.
Sur ce dernier point, il reste à la société de trancher si elle préfère un bon croyant ou un bon citoyen. Mais ceci est un autre débat. L’essentiel est que nos imams puissent en débattre en toute liberté. Car sur ce plan, la mosquée doit jouer aussi un rôle primordial dans la lutte contre la propagation des idées islamistes extrémistes et la violence politique sous-jacente. Ainsi, à l’heure où l’Algérie se pose comme un allié résolu dans la lutte contre le terrorisme, il ne faudrait pas, non plus, que certaines de ses mosquées deviennent de véritables fabriques de fanatiques.
L’article 8 du décret rappelle, ainsi, que “la mosquée assure une fonction d’orientation qui consiste à ordonner le bien et à proscrire le mal”. À ce titre, elle doit “contribuer notamment à renforcer l’unité religieuse et nationale, à préserver la société contre les idées fanatiques, extrémistes et exagérées, à enraciner et consolider les valeurs de tolérance et de solidarité au sein de la société, à lutter contre la violence et la haine et à contrer tout ce qui pourrait porter atteinte au pays”.
Sur le plan culturel (et non plus seulement cultuel), la mosquée est appelée à assurer cette fonction notamment par “l’organisation de conférences et séminaires pour la diffusion et la vulgarisation de la culture islamique, la commémoration des fêtes et cérémonies religieuses et nationales, la promotion des bibliothèques de mosquées et leur gestion pour en tirer le meilleur profit, l’organisation d’expositions consacrées au livre et aux arts islamiques, l’organisation de concours culturels”. Plus qu’une institution religieuse, le décret assigne, par ailleurs, à la mosquée une fonction sociale.
Dans sa mission de service public et en vertu de l’article 9, la mosquée doit assurer “une fonction sociale qui consiste notamment au règlement des différends entre les citoyens, au développement du sens civique, de l’esprit citoyen et de la solidarité sociale, à la protection de la société des fléaux sociaux, à la contribution — aux campagnes sociales, nationales et locales — à la protection de l’environnement — aux campagnes de sensibilisation sanitaire en coordination avec les services compétents — au développement de la zakat et de l’action de constitution
des wakfs”. S’il n’interdit pas formellement la vente et les activités commerciales aux abords des mosquées, l’article 11 proscrit, par ailleurs, l’exploitation de ces lieux de culte “aux fins de réaliser des objectifs illicites soit personnels, soit collectifs ou à des fins purement matérielles”. Enfin, ce décret exécutif vient instaurer, comme pour les établissements hôteliers, un classement. L’article 12 prévoit, en effet, que “les mosquées sont classées selon leurs implantations, leurs fonctions, leurs capacités et les spécificités historiques et architecturales qui les caractérisent”. Comme l’on peut s’en douter, dans ce classement trône en bonne place la Grande Mosquée d’Alger appelée officiellement dans le décret “Jamaâ El-Djazaïr”, un projet cher au président Bouteflika.
Comme chacun sait, cet édifice, en cours de réalisation dans la capitale, est à l’origine d’une grande controverse, notamment sur son coût et sur son opportunité. Et si les superlatifs ne manquent pas, à droite, pour ses défenseurs (troisième plus grande mosquée au monde, le minaret le plus haut du monde, etc.), les critiques ne cessent pas, à gauche, de se faire jour quant à cette dépense considérée de “prestige”.
M C L