Un couvre-feu y a été décrété depuis jeudi à 22h , Guerrara, le jour d’après

Un couvre-feu y a été décrété depuis jeudi à 22h , Guerrara, le jour d’après
un-couvre-feu-y-a-ete-decrete-depuis-jeudi-a-22h-guerrara-le-jour-dapres.jpg

L’horreur a désormais un visage et ses traits se dessinent aux portes ensanglantées de Guerrara, à 120 km au nord-est de Ghardaïa. À première vue, c’est une ville fantôme où les forces obscures rodent toujours. Leur présence se fait sentir par la peur et la terreur. Le carnage dont ont été victimes 19 personnes mercredi matin, pèse toujours sur la ville. Un climat lourd.

Étouffant. À l’entrée, un pompiste renvoie deux automobilistes de la station-service.“J’ai reçu ordre de ne pas servir de carburant. Voici le commandant de la gendarmerie là-bas, dans son véhicule. Il faut lui demander l’autorisation”, explique-t-il. À la tête d’une importante file de 4X4 et fourgons blindés, le gendarme en chef est plutôt abordable. Il donne son accord pour ceux qu’il ne soupçonne pas d’utiliser l’essence pour des usages prohibés, notamment le cocktail Molotov. Le convoi des gendarmes antiémeutes a l’air de se préparer pour une manœuvre.

Certains agents grincent des dents. Ils sont visiblement à bout de nerfs. C’est bientôt la fin de la prière du vendredi, heure à laquelle les affrontements entre Châambis et Mozabites sont particulièrement redoutés. Les rideaux des commerces sont baissés. Des citoyens affirment que les propriétaires n’ont pas l’intention de rouvrir de sitôt. Au centre-ville, le temps semble être figé. On le devine, une seule image hante encore les esprits : l’horreur d’un mercredi noir. Depuis jeudi soir, assure Hamou Oujana, membre actif de la société civile, un couvre-feu a été décrété. La gendarmerie embarque tous ceux qui s’aventurent dans la rue au-delà de 22h.

“Ce qui s’est passé à Guerrara est typique. C’est une région où la contestation n’a pas sa place. C’est une ville disciplinée. Ce qu’il y a eu comme morts en une année à Ghardaïa, on l’a enregistré en une seule matinée à Guerrara. Il y a quelque chose qui se joue localement mais qui ne concerne pas la région”, soupçonne Dadi Nounou, membre du Comité de coordination et de suivi des Mozabites (CCS). Au fond de la ville, un quartier déshabillé de ses murs. Il s’agit de haï Mahmoud. 25 familles y ont vu brûler leurs maisons.

Elles occupent, un peu plus loin, une école primaire du nom de haï Asmar. Des cris proviennent de l’intérieur d’une salle de cours. Il s’agit d’une mère de famille traumatisée. C’est la plus chanceuse, explique un de ses voisins. Sous le choc, d’autres femmes ont carrément perdu l’usage de la parole. Une autre école, d’autres Algériens sinistrés. Environ 40 familles du quartier Cheikh-Belhadj logent dans l’établissement scolaire El-Hadi-Amar-Benyahia.

Le reste des meubles miraculeusement sauvés décorent la cour de l’école.

Vêtements, matelas et bagages jonchent les salles de cours. Assis à côté d’un voisin rescapé, Zalima Baba Benaïssa tient son fils âgé de 10 ans dans ses bras. L’enfant bégaie et arrive difficilement à formuler quelques mots : “J’ai vu ma maison brûler.”

M. M.