«Sécurité des troupes toujours en activité dans la zone oblige ? Ou bavure à cacher ?», s’est interrogé dans son édition d’hier le site «La Voix du Nord», à propos de l’intervention militaire française au Niger en janvier 2011, pour la libération de deux otages français enlevés par Aqmi.
Le site révèle que c’était hier au tour de la famille d’Antoine de Léocour, décédé au cours de l’assaut, d’être discrètement «conviée» au ministère de la Défense, neuf mois après la famille de Vincent Delory, le 11 juillet. Les deux Français avaient été, rappelle-t-on, enlevés par l’organisation terroriste de Abdelmalek Droukdel, alias Abou Mossaâb Abdelouadoud, actuel émir national d’Aqmi.
Selon le site, la famille «conviée» hier a eu le droit de voir les images (classées secret défense) filmées par l’armée française lors de l’assaut baptisé «Archange foudroyant» dans lequel leur fils Antoine, l’humanitaire de 25 ans, et son ami Vincent, sont morts. «La Voix du Nord» qui dit avoir pu voir ce film, mais aussi écouter les échanges radio entre les pilotes concernés par l’opération, se pose certaines questions quant à l’intervention française pour tenter de sauver les deux otages.
C’est ainsi que décryptant le film, le site écrit que «d’abord un. Puis deux. Enfin les trois véhicules du convoi se suivent en file indienne au milieu du désert. Un pick-up beige (celui des ravisseurs), un bleu (celui des gendarmes pris à leur tour en otages), un 4×4 blanc où se trouvent les otages originaires de Linselles : l’humanitaire Antoine de Léocour et son ami d’enfance Vincent Delory».
Ce sont des images aériennes, ressemblant aux images satellite météo lorsque les plans sont larges, balayant l’immensité muette du désert entre le Niger et le Mali, où les ravisseurs d’Antoine et de Vincent remontent vers le nord le long d’un cours d’eau asséché, est-il rapporté.
«La Voix du Nord» note que le film qui a été transmis par le ministère de la Défense à la justice dure 42 minutes et 34 secondes «mais il aurait dû durer une heure et demie puisque l’intervention a débuté à 9h36’47 pour s’achever à 11h03’38». «Ce qui veut donc dire qu’il y a eu davantage de scènes coupées que de scènes transmises», conclut le site qui s’interroge sur les motifs de la non-transmission de l’intégralité du film. Et c’est là que «La Voix du Nord» s’interroge pour savoir si cela est dû à la «sécurité des troupes toujours en activité dans la zone oblige ? Ou bavure à cacher ?»
Ces interrogations sont formulées par le site «car les interruptions (les plus longues allant jusqu’à cinq minutes) ont lieu à des moments stratégiques». Les trois véhicules viennent de se réfugier sous les arbres, ayant manifestement repéré les forces françaises, selon le récit. 10h24’40 : les militaires sont déposés par les hélicoptères Cougar au sol. A 10h27,
des hommes sont tapis dans la végétation à une centaine de mètres du 4×4 blanc. A 10h30’23, des points blancs ressemblant à des impacts de tir, puis le pick-up beige explose, selon le film que le site affirme avoir visionné. A 10h33’06, un rectangle blanc «confidentiel défense» envahit l’écran. Dès qu’il disparaît, à 10h33’13, le 4×4 blanc est en feu.
Sept secondes plus tard, nouvelle explosion du 4×4 blanc. Les plans deviennent alors plus larges, balayant la scène d’où s’élèvent désormais trois colonnes de fumée noire : les trois véhicules. Jamais on ne distingue Antoine et son ravisseur (il a été retrouvé à 200 m, une balle dans la tête), peut-on lire dans le compte-rendu.
Ce n’est que 23 minutes après l’explosion, à 10h56, que deux militaires parviennent à moins de cinq mètres du 4×4 blanc. Ils marchent calmement, sans chercher à s’approcher. La dernière image, à 10h59, montre le véhicule toujours en feu. «Les causes de la mort de Vincent Delory sont toujours indéterminées. Son corps a été retrouvé brûlé en grande partie, à un mètre du véhicule incendié. On ignore toujours pourquoi il n’a pu s’échapper du 4×4 blanc, s’il était déjà blessé ou s’il avait perdu connaissance à cause des impacts de balles», selon le site.
Une bande son troublante et un mystérieux colis
Les échanges radio entre l’équipage de l’avion de surveillance et celui de Pégase 105, de 6h30 à 10h56, sont parfois déroutants, note «La Voix du Nord». Celui de 9h46’22 laisse supposer que, comme l’affirme l’armée pour justifier l’intervention rapide, les ravisseurs attendaient des renforts : ‘Groupe armé chef tribal lourdement armé’ – ‘C’est Mokhtar Belmokhtar (parrain du Sahara)’, ‘Ouais’.
Ce sont des propos tenus par les soldats français, selon le site qui décrit le «sang froid» des troupes spéciales françaises auxquelles la mission de sauver les deux otages de l’organisation terroriste Aqmi a été confiée. «Mais ces militaires ont-ils conscience que la vie de deux jeunes compatriotes se joue à quelques mètres sous eux ?», s’interroge «La Voix du Nord», selon laquelle il n’y avait pas d’image pour 10h32’12. D’autres conversations sont rapportées, comme «65, de Minou, euh, détruit 3 pick-up, incident de tir en cours de résolution.’ Puis, à 10h34’11 (les trois véhicules flambent),
‘Priorité sécurisation du pick-up blanc’, ‘Reçu pour la sécurisation du pick-up blanc mais le pick-up blanc est détruit, hein’, ‘Je sais, mais c’est au moins les alentours du pick-up blanc (les parachutistes vont être largués). De nouvelles flammes s’échappent du 4×4 blanc. Quelques secondes plus tard, d’autres conversations : ‘Si vous avez rens. Sur les otages me le donner’. Un pilote commente : ‘Eh ben, ils ont été aussi loin pour arriver là. Vous auriez pu le récupérer le 4×4’. Puis :
‘On ne sait toujours pas s’ils ont ramassé les colis’. «De quoi ou de qui parlent-ils ?», s’interroge «La Voix du Nord». Les deux Français avaient été, rappelle-t-on, enlevés par Aqmi au Niger, début 2011. L’armée française avait dépêché un commando pour intervenir et tenter de libérer les deux victimes des mains des terroristes. Un des deux otages aurait été exécuté par Aqmi et l’autre carbonisé à bord du véhicule dans lequel il se trouvait. L’opération a été un échec puisque les deux otages ont, malheureusement, trouvé la mort au cours de l’opération. Une polémique est née en France autour de l’affaire.
«Ce sont les tirs de l’armée française qui ont mis le feu au 4×4»
En janvier 2012, le journal Libération publia le témoignage d’un présumé élément d’Aqmi, détenu à Nouakchott, Mohamed Al Amine Ould Mohamedou Ould M’ Balle, alias Mouawiya, 22 ans. Ce dernier, et selon le témoignage recueilli le 30 novembre dans une prison à Nouakchott, «a entendu parler du récit de l’enlèvement fait quelques heures plus tard par des membres du commando djaïnisme qui ont survécu à l’attaque des forces spéciales». Ce Mauritanien membre présumé d’Aqmi est, officiellement, détenu pour avoir préparé une attaque terroriste contre l’ambassade de France.
Selon ce membre présumé, des ravisseurs ont raconté, une fois rentrés au sein de la katiba (unité de jihadistes), que l’un d’entre eux, surnommé Fayçal Al Jazaïri, avait abattu Antoine de Léocour de plusieurs balles de kalachnikov parce qu’il le retardait dans sa fuite à pieds dans le désert, juste après l’attaque par les commandos français, avait rapporté Libération qui se serait procuré le PV d’audition en tant que témoin du détenu mauritanien.
Il assure aussi que Vincent Delory a péri brûlé dans le 4×4 qui transportait de l’essence, à la suite des tirs qui l’ont touché. Les membres du commando de ravisseurs ont assuré après l’opération n’avoir pas exécuté le deuxième otage, a-t-il été ajouté. Réagissant à ce témoignage, Frank Berton, l’avocat de la famille Delory, avait indiqué à l’AFP que c’est une «version qui vient conforter l’idée que nous avions nous, que c’étaient les tirs de l’armée française qui avaient mis le feu au 4×4.
M. A