Un baril de pétrole à 100 dollars, selon les uns, 70 dollars, selon Sellal, Où est le véritable seuil critique ?

Un baril de pétrole à 100 dollars, selon les uns, 70 dollars, selon Sellal, Où est le véritable seuil critique ?

Un baril de pétrole à moins de 70 dollars serait catastrophique pour les dépenses budgétaires et le financement des investissements, à court et moyen terme.

«Nous avons établi trois hypothèses et nous avons choisi la plus optimiste. Mais c’est un choix qui a été fait sur des bases réalistes», déclarait jeudi dernier le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, lors de la rencontre tripartite (gouvernement- UGTA-patronat).

Selon le Premier ministre, des scenarii de politique budgétaire et d’investissements ont été établis de manière réfléchie et anticipative, avec le concours d’experts nationaux. Des hypothèses et des programmes élaborés, laisse-t-on entendre, selon les évolutions des prix du pétrole, les capacités financières existantes ou potentielles et selon des échéances précises.

Des hypothèses dont la plus pessimiste serait un prix du pétrole qui chute jusqu’à 70 dollars le baril. Néanmoins, une hypothèse qui ne semble pas susciter les craintes de l’exécutif, Abdelmalek Sellal étant persuadé que même si les cours descendent à 90, 80 et même 70 dollars le baril, les finances publiques et l’opportunité de financer le programme quinquennal 2015-2019 n’en seraient pas perturbées. Or, ce seuil de 70 dollars le baril constitue-t-il un seuil critique ?

Y a-t-il un seuil critique ? Durant les dernières années, le Fonds monétaire international (FMI) estimait qu’un prix de 100 dollars et plus pourrait permettre d’équilibrer le budget. Or, les cours de l’or noir affichent une tendance baissière marquée depuis des semaines, chutant hier à New York jusqu’à 92 dollars après avoir atteint les 115 dollars en juin dernier. Un prix stable à 100 dollars le baril s’avère donc incertain, à moins d’aléas géopolitiques et autres, ne permettant donc pas d’assurer effectivement l’équilibre budgétaire.

Certes, la politique budgétaire est basée depuis plusieurs années sur un prix de référence fiscal, 37 dollars le baril, qui constitue un «seuil en théorie», relève l’expert en énergie Abdelmadjid Attar. Sur la base de ce seuil, l’excédent non budgétisé de la fiscalité pétrolière est reversé au Fonds de régulation des recettes (FRR). Notons, ce faisant, que la fiscalité pétrolière contribue à financer au moins la moitié du budget de fonctionnement.

Néanmoins, l’ancien manager de Sonatrach estime que pour pouvoir couvrir les importations de biens et services, des importations au demeurant croissantes, un baril à 80 dollars constituerait le «minimum». Or, un baril à 70 dollars constituerait un seuil critique selon Abdelmadjid Attar, d’autant qu’en dessous de ce niveau, le risque de toucher aux disponibilités du FRR serait avéré. Par conséquent, un prix de 100 à 110 dollars le baril constituerait la meilleure option, relève cet économiste et expert pétrolier.

Avec un baril à 70 dollars, les dépenses de fonctionnement peuvent être couvertes, note un autre expert et spécialiste de la prévision financière. Le problème, l’incertitude se pose toutefois pour les dépenses d’équipement, note cet expert. Quid d’un baril à 100 dollars ? Les dépenses budgétaires pourraient être maintenues. Cela même si le recours efficace au FRR ne serait pas écarté pour le financement des programmes d’équipement, voire la résorption du déficit du Trésor dont l’importance s’accroît annuellement.

Développant une analyse similaire, le chercheur et économiste Mohamed Hamidouche relève que les dépenses de fonctionnement (salaires, subventions…) pourront être couvertes en 2015 et ultérieurement même avec un baril à 40 dollars. Pour le budget d’équipement, les investissements prévus et les décaissements annuels pourront être couverts même avec un baril à 30 dollars, note-t-il. Soit, des dépenses budgétaires qui peuvent être couvertes à 70 dollars même si des ajustements risquent d’être nécessaires pour les programmes d’investissements.

Et cela dans le contexte où les cours de l’or noir ont déjà diminué d’au moins 2 à 3 ou 4 dollars annuellement depuis trois ans et devraient poursuivre le même rythme durant les cinq prochaines années. De l’ordre de 110 dollars en moyenne en 2011, les cours ont décliné à 106 dollars en 2012, 104 dollars en 2013 et fluctuent actuellement autour des 100 dollars.

Si la tendance baissière se confirme, une hypothèse que le ministère des Finances et le gouvernement ont dû prendre en compte, les cours de l’or noir pourraient baisser à hauteur de 85 ou 90 dollars le baril à l’horizon 2019. Ce qui indique que les projections gouvernementales sont pertinentes. Ainsi, un baril à 70 dollars ou plus devrait suffire, relève l’économiste qui estime cependant que le problème est plus large.

Au-delà des évolutions des cours de l’or noir, le défi reste multiple pour l’Algérie. Il s’agit de la capacité du pays à relancer sa production d’hydrocarbures, et par conséquent améliorer quelque peu ses recettes. A ce propos, l’exécutif semble optimiste, dans la mesure où la mise en exploitation des gisements nouveaux permettra de booster la production et de compenser le déclin actuel.

A charge cependant que le nombre de découvertes d’hydrocarbures et de puits exploitables soit assez conséquent pour stimuler la production à l’horizon 2019 et que les exportations puissent être suffisamment et diversement écoulées. Comme il s’agira pour l’Algérie de maîtriser le flux croissant des importations de biens et services et gérer le déficit aggravé de la balance des paiements globale, préserver les disponibilités du FRR et bien valoriser son matelas (réserves de changes notamment) en termes de placement.

Ce qui soulève l’opportunité, agréera Mohamed Hamidouche, de réfléchir à mettre en place un Fonds d’investissement à même de contribuer au financement des dépenses d’équipements. En somme, un baril à 70 dollars constituerait un seuil critique, au-dessous duquel la soutenabilité des dépenses budgétaires, voire la capacité à financer les 262 milliards de dollars du programme quinquennal 2015-2019 seraient impossibles.

C. B.