Un ancien dirigeant de la compagnie jette un pavé dans la mare, Sonatrach, mamelle de la république ou… de certains ?

Un ancien dirigeant de la compagnie jette un pavé dans la mare,  Sonatrach, mamelle de la république ou… de certains ?

Les scandales liés aux pots-de-vin qui ont secoué Sonatrach continuent de faire couler beaucoup d’encre. En effet, dans une lettre rendue publique, un ancien responsable de cette firme apporte sa version des faits et assène ses vérités. Mieux Hocine Malti indique des pistes et fait étalage sur d’autres affaires.

L’information révélée au début du mois en cours par le site du journal italien El Sore 2 sur l’existence de pots-de-vin (200 millions d’euros) versés en 2007 par la firme italienne Saipem à d’ex-responsables de Sonatrach pour l’obtention de trois contrats d’un montant de 580 millions pour le premier, de 142 millions pour le second et de 100 millions pour le troisième, soit un total de 822 millions de dollars, refait surface.

Et ce n’est pas la justice algérienne qui s’en est chargé mais un ancien responsable de Sonatrach aujourd’hui établi en France, Hocine Malti. Dans une lettre adressée aux décideurs et à l’opinion publique, il tente d’apporter quelques éléments de réponse.

«Si vous vous penchez sérieusement sur le dossier Saipem, vous découvrirez que cette entreprise, fer de lance du groupe ENI, a réalisé en Algérie, durant les cinq dernières années seulement, un montant global d’affaires 25 à 30 fois supérieur.

LG Algérie

Les 200 millions de dollars de commissions ne représentent probablement qu’un acompte sur d’autres versements qui suivront ou alors une échéance sur un calendrier de paiements préétabli portant sur plusieurs affaires signées ou à venir», est-il écrit dans sa missive.

Selon Hocine Malti, cette firme pétrolière a eu déjà un démêlé avec la justice lors d’un procès tenu en 1991, portant sur diverses affaires de corruption, «dont celle relative à la construction du gazoduc sousmarin Algérie-Italie».

Selon cet ancien responsable de Sonatrach, le président de l’ENI avait reconnu, devant le juge d’instruction en charge du dossier près ce même parquet de Milan, «avoir versé au nom de son entreprise une commission de 32 millions de dollars à un citoyen libyen agissant en qualité d’intermédiaire avec une haute personnalité algérienne.

Trentedeux millions pour une haute personnalité par ailleurs bien connue des Algériens et 200 millions pour des managers de la Sonatrach ?» Qui sont ces managers qui ont été arrosés. N’en disant pas plus, M. Malti préfère vraisemblablement garder pour lui les noms de ces managers ou bien pense-t-il que qu’ils sont connus de tous.

Et il le dit d’ailleurs clairement aux enquêteurs : «Je vous recommande fortement de ne pas vous focaliser sur les managers de la Sonatrach [impliqués, ndlr] et d’approfondir vos investigations dans ces trois affaires, que vous auriez déjà étudiées d’après la presse algérienne. Vous y découvrirez certainement des pots-de-vin autrement plus substantiels que celui mis au jour et des participants à une razzia d’un autre calibre que ceux que vous avez débusqués jusqu’alors.»

3 À 6 MILLIARDS DE DOLLARS PRÉLEVÉS PAR LA MAFFIA SUR LE GAZ ET LE PÉTROLE

Aussi fait-il appel au Balthazar Garson, ce juge espagnol courageux en mesure de remettre de l’ordre dans cette affaire qui pour rappel est en cours d’examen judiciaire à Alger et implique Saipem chargée de fournir des services d’ingénierie au groupe pétrolier algérien lié par le contrat du gazoduc Galsi. L’enquête diligentée en Algérie en 2010 implique l’ancien PDG de la Sonatrach, Mohamed Meziane, ainsi que quinze autres dirigeants poursuivis pour corruption et détournement de fonds.

Parmi ces mis en cause, figurent des dirigeants du groupe notamment les vice-présidents de Sonatrach, Benamar Zennasni et Boumediene Belkacem, l’ancien directeur de la banque Crédit populaire algérien (CPA), Meghaoui, l’homme d’affaires algérien Hachemi et son fils ainsi que deux fils de Mohamed Meziane. En 2010, avant même que n’éclate cette affaire, le PDG de la filiale italienne Saipem, Tullio Orsi, avait pris la fuite à l’étranger.

Il aurait rejoint son pays d’origine, l’Italie. Orsi a quitté l’Algérie pour fuir l’enquête en cours sur les malversations présumées des contrats attribués par Sonatrach à des groupes étrangers, alors qu’il était en poste lors de l’attribution de plusieurs contrats dans les hydrocarbures à Saipem. En plus du patron de la filiale, huit autres cadres, tous italiens, ont également pris le vol sans retour à destination de l’Italie.

Les comptes bancaires de l’entreprise ont été gelés à la suite d’une enquête diligentée par les inspecteurs de l’IGF. S’adressant aux futurs enquêteurs, l’ancien dirigeant de Sonatrach jette un véritable pavé dans la mare.

Selon lui, 3 à 6 milliards de dollars sont prélevés annuellement sur les contrats du gaz et du pétrole par une maffia bien tapie à l’ombre du système mafieux mis en place par «certains hommes-clés, à savoir le réseau de commissionnement et des dessous de table perçus dans le cadre des contrats de vente du pétrole et du gaz.

«Si l’on prend, à titre d’exemple, le montant du chiffre d’affaires à l’exportation de 56 milliards de dollars mentionné plus haut et qu’on l’affecte d’un pourcentage de commissions aussi minime soit-il, on se rend compte que les montants détournés, volés chaque année au peuple algérien, représentent quelques milliards de dollars.

De 3 à 6 milliards de dollars au moins ! C’est comme si l’on retirait cent à deux cents dollars environ au revenu annuel de chaque Algérien !», dit-il encore.

Hocine Adryen