Un an après Benghazi, la Libye en base-arrière d’un djihadisme maghrébin en mutation

Un an après Benghazi, la Libye en base-arrière d’un djihadisme maghrébin en mutation
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Un an après l’attentat contre le consulat américain de Benghazi, la Libye reste instable tout en servant de base de repli et de jonction des djihadistes du Maghreb et du Sahel. Synthèse des analyses récentes sur l’impact de la situation libyenne.

Le11 septembre dernier, l’ambassadeur américain en Libye, Christopher Stevens, meurt asphyxié lors d’une attaque menée par des assaillants armés de missiles anti-aériens et de lance-roquettes contre le consulat de Benghazi. Les autorités américaines reconnaissent rapidement l’implication d’Al-Qaida. Le choc dans l’opinion publique américaine est énorme. C’est la première fois depuis 1979 qu’un ambassadeur meurt en fonction, ciblé par des agresseurs armés.

L’attaque de Benghazi a été suivie, en janvier 2013, par la prise d’otage spectaculaire du site d’exploitation de gaz de Tiguentourine (In Amenas), dans le sud de l’Algérie, qui a fait 40 morts. Du jamais vu en Algérie où les installations pétro-gazières n’avaient pas été touchées dans les années 90, marquées par les violences et le terrorisme. Pour la première fois, l’Algérie était frappée au cœur de son économie : les revenus engendrés par le pétrole et le gaz représentent 97% de ses exportations.

Des groupes interconnectés

LG Algérie

Depuis ces attaques, des liens ont été mis en avant entre les auteurs de l’attaque de Benghazi et ceux de la base gazière de Tiguentourine, selon plusieurs sources anonymes qui se sont confiées à l’agence de presse Reuters. Selon l’une d’entre elle, les djihadistes qui préparaient l’attaque sur le site gazier algérien avaient acheté des armes en Libye, avant de s’installer plusieurs mois dans la zone frontalière algéro-libyenne. C’est là qu’ils auraient rencontré les hommes qui ont planifié l’attaque sur le consulat américain de Benghazi.

Il existerait donc une coordination croissante entre les groupes armés en Afrique du Nord, ce qui fait peser un risque régional. Pour illustration, la composition « multinationale » du commando qui a mené l’attaque de Tiguentourine : seul trois membres du commando étaient algériens. Les autres étaient maliens, nigériens, des mauritaniens ou encore canadiens. Les Tunisiens, majoritaires, étaient au nombre de onze.

La Tunisie, en transition délicate, fait désormais face à la montée du terrorisme. Selon Reuters, l’attaque de Benghazi était menée avec la participation de membres du groupe tunisien Ansar al-Charia. Le 28 août dernier, le groupe était officiellement classé parmi les organisations terroristes par le gouvernement tunisien. Il entretient des liens avec Al-Qaida au Maghreb Islamique (AQMI) et les groupes djihadistes qui se battent dans le mont Chaambi contre les forces de l’ordre, à la frontière algérienne. Selon le ministre tunisien de l’intérieur, la moitié des djihadistes qui se trouvent au mont Chaambi sont des Algériens.

La Libye, terre d’accueil

La Libye, toujours déstabilisée après l’intervention occidentale contre le régime de Kadhafi, est devenue un marché d’armes ouvert et une terre d’accueil pour l’ensemble des groupes islamistes du Maghreb et d’Afrique subsaharienne. L’économie du pays est asphyxiée par la fermeture de ses principaux terminaux pétroliers, du fait de l’incapacité du gouvernement à faire entrer les milices dans les rangs. Ironie du sort, le pays est forcé à importer l’or noir.

Le sud du de la Libye est aujourd’hui présenté comme étant le lieu de repli des djihadistes qui ont été chassés du Nord du Mali, après l’intervention française du début de l’année. Les salafistes-djihadistes tunisiens désormais traqués par les autorités pourraient, selon les analystes, faire également de la Libye leur base arrière. Ces mouvements islamistes, qui font la jonction « maghrébo-sahélienne », menacent l’ensemble de la région.

L’industrie pétrolière visée

Ainsi, des groupes armés prennent fréquemment pour cible les installations pétrolières d’états maghrébins ou du golfe persique, dont les revenus dépendent de leurs exportations. En août dernier, l’oléoduc principal du Yémen était attaqué, pour la deuxième fois en une semaine. Depuis 2011, le pipeline qui fournit Israël en gaz égyptien est aussi régulièrement pris d’assaut. En conséquence, les entreprises étrangères qui investissent dans la région commencent à modifier leur approche sécuritaire.

Après l’attaque de Tiguentourine, Statoil et British Petroleum (BP) ont quitté l’Algérie, et entretiennent le flou sur leur retour. Plusieurs dizaines de leurs employés étrangers avaient perdu la vie lors de la prise d’otage. En juin dernier, Statoil a créé un département de sécurité autonome de la gestion économique de l’entreprise, présidé par une femme. Son objectif est d’éviter que les soucis économiques ne viennent peser sur les dispositifs destinés à assurer la sécurité du personnel.