Un accord de réconciliation signé hier: Erdogan retombe dans les bras d’Israël

Un accord de réconciliation signé hier: Erdogan retombe dans les bras d’Israël

A00896.jpgÇa y est, c’est fait ! Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, l’autoproclamé porte-parole des musulmans devant l’Eternel, et le soi-disant pourfendeur d’Israël est, comme prévu, retombé dans les bras de… Netanyahou. Israël et la Turquie ont scellé hier un accord pour normaliser leurs relations et officialiser leur réconciliation pour le meilleur et pour le pire.

Et oui, la politique-spectacle qu’affectionne cet homme qui se prétend et se rêve nouveau sultan de la Turquie moderne, touche à sa fin. Rideau sur ses effets de manches qui auront parfois galvanisé et souvent amusé la galerie arabo-musulmane et motus et bouche cousue pour ce tribun qui adore déployer ses cordes vocales pour tailler son meilleur ennemi, Israël.

Les six années de «rupture», suite à l’assaut meurtrier de l’armée israélienne contre la flottille de paix Mavi Marmara de Ghaza en 2010, entre Erdogan et Netanyahou, n’étaient finalement qu’un rebondissement long et imprévu d’une pièce de théâtre jouée à la perfection par ce duo d’enfer. Mais il faut bien admettre que le Premier ministre israélien a tenu le beau rôle et Erdogan a fini par se rendre, soulignant un peu plus le mérite scénique de son homologue Netanyahou.  Les musulmans de la sphère arabe, notamment, qui sont historiquement frustrés d’un leader qui ne soit pas naturellement inféodé à l’Occident, ont dû déchanter.

Erdogan qu’ils pensaient pouvoir incarner ce dirigeant musulman, compétent, démocrate et fier, n’a pas résisté à la tentation du pire : déclarer sa flamme à Israël.

Mais, opportuniste à souhait, le maître d’Ankara aura profité pendant ces six années d’un immense retour sur investissement en termes de popularité.

Grandeur et décadence

L’affaire du raid de l’armée israélienne qui avait fait dix victimes turques, a été exploitée à fond par Erdogan. A coups de campagnes médiatiques, de discours acerbes contre l’Etat hébreu, il réussit à booster son aura et s’imposer quasiment comme le défenseur numéro un de la Palestine. Même ceux qui connaissent les propensions mégalomaniaques de l’homme finirent par succomber à son charisme débordant. Enivré par sa montée en flèche dans le baromètre affectif des musulmans, notamment après le déclenchement du fameux «printemps arabe» et son soutien sans réserve aux frères musulmans, Erdogan a promis et juré que c’en est fini avec Israël aussi longtemps qu’il maintiendra le blocus contre Ghaza. Le nouveau «sultan ottoman» battait tous les records de popularité avec cette posture d’un dirigeant musulman qui défie l’ogre sioniste. Oui, pour beaucoup, il incarnait l’image d’un «zaïm» venu laver l’affront que subissent les Arabes et les musulmans sous les coups de boutoir d’une sainte alliance entre l’Occident et Israël. Mais l’histoire était un peu trop belle pour qu’elle soit vraie. Quelques feuilletons à succès, faut-il le souligner, qui auront duré tout de même six ans, et «l’ange» Erdogan revient sur terre…

«Zaïm» à l’extérieur, tyran à la maison

Passé entre-temps président de la République, il écrase tout sur son passage en Turquie. Il empoisonne tous les opposants, ferme ou nationalise les journaux critiques, interdit les réseaux sociaux qui popularisent des vidéos qui montrent et démontrent que le sultan d’Ankara n’est pas au-dessus de tout soupçon de corruption. Loin s’en faut. Sur le plan intérieur, le moral est en berne bien que son parti garde encore la main. Mais à l’étranger, Erdogan perd gravement pied. En rupture avec le régime d’Al-Sissi depuis le coup d’Etat contre Morsi, il est aussi et surtout très mal vu de Moscou où Vladimir Poutine snobe ses génuflexions pour une réconciliation.

Très remonté, l’ours blanc du Kremlin a même promis à Erdogan de lui faire «payer» le chasseur que l’armée turque avait abattu en novembre 2015 près de la frontière syrienne.

C’est dire que cet accord avec Israël va aussi permettre à Erdogan de ne pas dépendre du pétrole et du gaz russes. Pour Netanyahou, ce sera du pain béni puisqu’il pourra exporter une partie des réserves gazières en Méditerranée vers l’Europe via la Turquie. Cette normalisation aura des «conséquences immenses pour l’économie israélienne, et j’emploie ce mot à dessein. Je veux dire des conséquences positives, immenses», commentait-il, tout sourire. Et pour cause, Israël s’en sort à très bon compte, d’autant plus qu’il ne cède rien sur le blocus de Ghaza qui reste de mise malgré les fanfaronnades d’Erdogan.

C’est tout juste si Israël a accepté l’acheminement de denrées alimentaires, la construction d’une centrale électrique et d’un hôpital à Ghaza. Pas de quoi rassurer les reclus de l’enclave palestinienne d’un avenir meilleur. En revanche, le président Erdogan ne fait que mettre en pratique ce qu’il a avoué il y a six mois : «Nous devons également accepter (le fait) que nous avons besoin d’Israël. C’est une réalité dans la région». Son ministre des Affaires étrangères, Binali Yildirim, ne s’est pas fait prier dimanche pour inviter la chargée d’affaires de l’ambassade d’Israël à Ankara, Amira Oron, à un Iftar donné aux ambassadeurs. Eh oui, une réconciliation, ça se fête même en plein Ramadhan…

    Hassan Moali