Ukraine : Fuir Svitlodarsk

Ukraine : Fuir Svitlodarsk
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Tout en tentant de contenir la foule impatiente, un employé municipal lit à  haute voix une liste de noms. Ceux qui sont appelés peuvent prendre place dans le car, les autres, eux, sont condamnés à rester.  

«Ils nous ont promis qu’on pourrait partir mais maintenant, ils disent qu’il n’y a plus de place», raconte, en pleurs, Olena Lifikova. Cette brune de 42 ans avait fui les combats de l’été à Debaltseve, un important nœud ferroviaire situé à une dizaine de kilomètres, avec Loulia, sa  fille de trois ans qui est diabétique.

«Elle a besoin d’insuline. Je veux partir. N’importe où, je veux juste partir !», poursuit-elle. Sous contrôle des forces du gouvernement ukrainien, cette petite ville, qui comptait 13 000 habitants avant le début du conflit, est depuis quatre jours, la cible d’intenses bombardements. Car Svitlodarsk, où est installée une centrale électrique alimentant une partie de la région de Donetsk, se trouve dans une zone quasiment encerclée par les rebelles prorusses. Une seule route permet désormais de quitter cette «poche» et de rejoindre Artemivsk, la grande ville du secteur toujours sous contrôle ukrainien. «Pourquoi est-ce qu’on tue le peuple ?», se demande Valera, 21 ans, lui aussi, réfugié de Debaltseve. «Tous sont coupables, les autorités ukrainiennes comme les rebelles. Les (lance-roquettes multiples) Grad tirent de tous les  côtés». Pour autant, lui ne cherche pas à quitter Svitladorsk alors que sa sœur et  ses neveux sont encore à Debaltseve. «Ils vivent dans un sous-sol. Ils ont peur de partir car la route est bombardée», explique-t-il. Devant la mairie de Svitlodarsk, ville de l’Est de l’Ukraine cible de bombardements incessants, une trentaine d’habitants se pressent devant un autocar. «Est-ce qu’il reste encore une place ?», lance une mère qui veut sauver son fils de 14 ans. «Tous ceux qui veulent partir partiront !», lui répond un soldat ukrainien, chargé d’escorter les cars sur la route. «On a bombardé ma maison. Ça bombarde partout et ils refusent de nous prendre (à bord des cars, ndlr). Mon mari travaille comme moi à la centrale mais mes enfants et moi, on n’est pas sur la liste», raconte, dans la cohue, une autre mère de deux enfants. «On doit mourir ici ou quoi ?», ajoute-t-elle, en colère, avant de repartir avec ses valises et ses enfants sans avoir pu prendre place à bord du car. L’évacuation, en direction de la région de Kharkiv, frontalière de la zone des combats, est organisée par la centrale électrique ; les familles de ceux qui y travaillent sont donc prioritaires. «Depuis samedi, des lance-roquettes multiples Grad tirent sur la ville. Il y a des destructions. Une personne a été tuée et deux ont été blessées», rapporte le maire de Svitlodarsk. «C’est pourquoi, nous avons décidé de fermer les écoles et les jardins  d’enfants. En accord avec la direction de la centrale, où quasiment toute la population travaille, nous avons décidé d’évacuer les enfants», précise-t-il. A l’hôpital de la ville, les patients ont tous été évacués après des bombardements qui ont tué une infirmière. Une de ses collègues laisse éclater sa colère. «On est encore tous là. On n’a nulle part où aller. On veut travailler, on veut vivre, on veut la paix», crie-t-elle.

R. I. / Agences