La fusillade qui a eu lieu dans un village du sud-est du pays à majorité kurde pourrait avoir pour origine un différend entre familles. Huit assaillants ont été arrêtés.
Quarante-quatre personnes dont six enfants et dix-sept femmes ont été tuées lundi dans une fusillade contre une fête de noces, dans un village du sud-est de la Turquie à majorité kurde, a annoncé mardi le ministre de l’Intérieur, Besir Atalay. Le massacre, survenu dans le petit village de Bilge, près de la ville de Mardin, a aussi fait six blessés et huit assaillants ont été arrêtés, en possession de leurs armes. Ils sont tous de la même famille. Le ministre a ajouté que les premières constatations avaient permis d’écarter l’hypothèse d’une «attaque terroriste» – en référence aux séparatistes kurdes du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan), actifs dans la région concernée -, et précisé que le Parquet était saisi de l’enquête.
Des témoins ont raconté que quatre hommes masqués, venant chacun d’une direction différente, ont ouvert le feu sur l’assistance, peu après qu’un imam eut conduit la cérémonie religieuse. Les assaillants ont ensuite investi plusieurs maisons, en continuant à tirer, selon ces témoins. Un responsable local ayant requis l’anonymat a confirmé le récit d’une jeune femme de 19 ans ayant survécu, qui a affirmé que les assaillants avaient rassemblé des femmes et des enfants dans une pièce d’une des maisons avant des les mitrailler. Les deux fiancés, les parents du jeune homme et sa soeur de quatre ans, et l’imam du village ont tous été tués, selon les autorités. Les attaquants ont ensuite pris la fuite à la faveur de la nuit et d’une tempête de sable qui s’était levée, dans cette région proche de la frontière syrienne.
Selon les premiers éléments de l’enquête, le drame aurait été provoqué par un différend entre les habitants du petit village de Bilge, a indiqué le ministre lors d’une conférence de presse, avant de quitter la capitale pour les lieux du drame. Le premier ministre Recep Tayyip Erdogan a suivi de près la situation, a affirmé le ministre de l’Intérieur.
En quête d’explications
Des villageois ont estimé que la fusillade pourrait être liée à des hostilités entre familles, voire à une vendetta. Les litiges se règlent fréquemment par les armes dans le sud-est de la Turquie, une région où les traditions féodales persistent, où l’analphabétisme reste important et où les armes sont considérées par beaucoup comme un moyen légitime de régler des comptes et de défendre son honneur. Les hostilités peuvent être déclenchées pour diverses raisons: litige foncier, dettes impayées, enlèvements ou fuite de jeunes filles avec un fiancé non agréé par la famille.
Les villageois de Bilge donnaient mardi différentes explications au drame. L’un d’entre eux a ainsi affirmé qu’il y avait une dispute «depuis deux ans» entre deux familles concernant des enclos destinés à l’élevage de truites. «On n’aurait jamais pensé que les choses iraient aussi loin», a-t-il déclaré. L’agence Anatolie cite pour sa part des habitants qui affirment que la dispute entre les familles durait depuis 20 ans.
Des soldats ont bouclé le village de Bilge immédiatement après l’attaque et en filtraient les entrées et les sorties, fouillant également les alentours, à la recherche d’explosifs. Des pelles mécaniques sont arrivées sur place pour creuser des tombes pour les victimes, alors que les survivants pleuraient leurs morts, dans le village. Les journalistes étaient tenus à l’écart, à environ 500 mètres de l’entrée du village. Environ 300 personnes vivent à Bilge, et de nombreux hommes appartiennent aux Gardiens de villages, une milice armée par le gouvernement qui vient en aide à l’armée, dans sa lutte contre les rebelles du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). Le PKK, qui est considéré comme une organisation terroriste en Turquie et dans plusieurs autres pays, est en guerre depuis 24 ans contre le régime d’Ankara. Quant aux Gardiens de villages, ils ont été souvent accusés de trafic de drogue, d’enlèvements et de meurtres.