Turquie: maintien en détention d’un responsable d’Amnesty

Turquie: maintien en détention d’un responsable d’Amnesty

Un tribunal turc a ordonné jeudi le maintien en détention du président d’Amnesty International en Turquie, accusé d’appartenir au mouvement du prédicateur Fethullah Gülen qu’Ankara désigne comme le cerveau du putsch manqué l’an dernier, a indiqué l’ONG.

Taner Kiliç comparaissait devant un tribunal d’Izmir (ouest), au lendemain d’un premier procès à Istanbul dans le cadre duquel il est accusé avec dix autres militants des droits de l’Homme d’activités « terroristes ».

Le tribunal d’Izmir a décidé du maintien en détention de M. Kiliç « au mépris de toute justice et de toute logique », a déclaré sur Twitter Andrew Gardner, chercheur pour Amnesty International en Turquie.

Le tribunal a également décidé de fusionner cette affaire avec le procès qui s’est ouvert la veille à Istanbul et dont la prochaine audience est prévue le 22 novembre, a indiqué M. Gardner.

M. Kiliç a été arrêté en juin, accusé d’appartenir à « une organisation terroriste armée », en l’occurrence la mouvance du prédicateur Gülen, présenté par Ankara comme l’instigateur de la tentative de putsch de juillet 2016, ce que nie l’intéressé.

Jeudi, M. Kiliç a rejeté des accusations « abstraites » et affirmé être jugé pour ses « activités au nom d’Amnesty », a indiqué l’ONG sur son compte Twitter.

Il est notamment accusé d’avoir utilisé l’application de messagerie cryptée ByLock, qu’Ankara considère comme le moyen de communication privilégié des putschistes et qui sert d’élément à charge dans plusieurs procès liés au coup d’Etat manqué.

Mais Amnesty affirme avoir mandaté deux expertises indépendantes de son téléphone qui n’ont révélé aucune trace de téléchargement de l’application.

M. Kiliç est en outre accusé d’avoir possédé un compte à Bank Asya, une banque liée au mouvement du prédicateur Gülen qui a perdu sa licence après le putsch avorté.

Il est « impossible de déduire qu’une personne est membre d’une organisation (…) à partir de l’ouverture d’un compte dans une banque liée à cette organisation », rétorque Amnesty.

Lors du procès qui s’est ouvert mercredi à Istanbul, M. Kiliç était jugé aux côtés notamment d’Idil Eser, la directrice d’Amnesty International en Turquie, d’un ressortissant allemand, Peter Steudtner, et d’un suédois, Ali Gharavi.

Huit des dix accusés, arrêtés en juillet et jusque-là maintenus en détention, ont été remis en liberté conditionnelle, dont MM. Steudtner et Gharavi, dans la nuit de mercredi à jeudi.

Ces libérations « avaient rétabli un peu de confiance dans le système judiciaire turc. Aujourd’hui, cette confiance s’est envolée », a déclaré le secrétaire général d’Amnesty Salil Shetty après le maintien en détention de M. Kiliç.

Ces procès de militants des droits de l’Homme ont renforcé l’inquiétude quant à l’érosion des libertés en Turquie depuis la tentative de putsch, à la suite de laquelle 50.000 personnes ont été arrêtées, dont des journalistes critiques et des membres de la société civile.

Après la libération de son ressortissant, le ministre allemand des Affaires étrangères Sigmar Gabriel a salué, selon le site internet de l’hebdomadaire Der Spiegel, « un premier signe de détente » dans un contexte de fortes tensions entre Ankara et Berlin.

Une porte-parole de la diplomatie suédoise, Lina Edmark, interrogée par l’AFP, a salué « une nouvelle positive » après la libération des huit accusés.