Turquie – Au quatrième jour de violences «Ici, c’est la place Tahrir d’Istanbul»

Turquie – Au quatrième jour de violences «Ici, c’est la place Tahrir d’Istanbul»
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Plusieurs milliers de personnes continuaient, tard dans la nuit de dimanche à lundi, à manifester contre le gouvernement islamo-conservateur dans un quartier résidentiel d’Ankara après avoir été brutalement délogés plus tôt par la police d’une place de la capitale.

La police a tiré, hier après-midi, des dizaines de grenades lacrymogènes et fait usage de canons à eau pour disperser les protestataires rassemblés sur la place centrale de Kizilay, au troisième jour du mouvement de contestation contre le gouvernement turc.

«Ici, c’est la place Tahrir d’Istanbul», lance un manifestant. «L’intervention est constante, la police n’arrête pas de repousser les manifestants qui ne les menacent absolument pas. Nous avons beaucoup de mal à respirer», a indiqué, une secrétaire âgée de 27 ans. Plusieurs personnes ont été blessées, a affirmé cette protestataire. Selon l’agence officielle Anatolie, environ 200 personnes ont été interpellées et ont été amenées à bord d’autocars de la police à la direction de sûreté.

En début de soirée, les manifestants ont été délogés de cette place mais se sont dirigés cette fois vers un quartier résidentiel, Kavaklidere, situé à deux km plus loin pour continuer de manifester, a-t-on constaté. Les protestataires ont érigé des barricades sur une avenue très fréquentée afin d’empêcher les véhicules blindées de la police d’y accéder, ont expliqué des manifestants à l’AFP. «Personne ne veut de toi Tayyip», scandaient les gens.

Il est 21h00 pile à Ankara et un concert inédit de casseroles secoue les quartiers résidentiels d’Ankara. Armés d’ustensiles de cuisine, les protestataires dénoncent bruyamment le régime du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan, qu’ils accusent d’autoritarisme. «L’heure est venue de renvoyer Erdogan dans les limbes de l’Histoire», crie une femme, accompagnée de ses deux enfants sur le balcon de son appartement du quartier chic de Cankaya, fiefs des tenants de la laïcité. Munis de sifflets, des voisins allument et éteignent les lumières de leurs appartements en guise de protestation. «Tayyip démission, Tayyip démission. Regarde combien nous sommes», crient-ils. Özcan, un jeune étudiant en économie est descendu au rez-de-chaussée avec un drapeau turc, sous les applaudissements des voisins et de ses parents. «On ne peut pas être plus pacifique, est-ce que la police va aussi nous gazer ?», interroge l’étudiant. «Ce sont des fascistes», juge un jeune homme au volant de sa voiture en klaxonnant. Sa petite amie agite à ses côtés le drapeau turc et entonne une marche militaire qui loue les réformes du fondateur de la Turquie moderne et laïque, Mustafa Kemal Atatürk. «Il ne s’agit plus du projet de Gezi Park (le parc dont la suppression est à l’origine du mouvement à Istanbul), c’est devenu un mouvement (de contestation) contre le gouvernement qui s’immisce de plus en plus dans notre vie privée», explique Hamdi, qui ne veut pas donner son nom de famille. A ses côtés, sa femme qui tape frénétiquement avec une grosse cuillère sur une casserole en acier. Le bruit est assourdissant. Le concert de casseroles «à la turque» n’est pas une spécialité d’Ankara. A la tombée de la nuit, il résonne aussi dans de nombreux quartiers d’Istanbul sur le thème «gouvernement, démission!»

Erdogan menace

Dans la journée, devant un parterre constitué dans l’ensemble de ses supporters, M. Erdogan a refusé toute concession, qualifiant les protestataires de «bande de vandales». il a ensuite lancé: «Si l’on veut organiser des rassemblements, si c’est un mouvement social, alors quand ils rassemblent 20 personnes, j’en rassemblerai 200 000. Quand ils réuniront 100 000 personnes, je mobiliserai un million de partisans de mon parti.»

R. I / AFP