Plusieurs militaires tunisiens ont été tués, hier, lundi, dans une zone d’activité d’Al-Qaîda, aggravant les tensions dans le pays.
Selon un dernier bilan du ministère de la Défense, cité par l’agence officielle TAP, huit militaires ont été tués et trois autres blessés dans l’embuscade au mont Chaambi, zone proche de l’Algérie ou depuis décembre l’armée pourchasse un groupe lié à Al-Qaîda. Le bilan de l’attaque évoluait encore dans la soirée. Dans une intervention télévisée, le président Moncef Marzouki, évoqué la mort de «huit soldats lundi vers 17h 30 GMT (18h 30 locale) dans une embuscade».
Un nombre quelque peu revu à la hausse par son service de presse qui annonçait dans un communiqué «un deuil national de trois jours après l’acte de terrorisme atroce qui a fait dix morts».
Des sources médicale et militaire sur place à Kasserine (ouest) près du Mont Chaambi où l’attaque a eu lieu, ont de leur côté fait état de neuf tués, indiquant que les soldats avaient été retrouvés égorgés et leurs armes ainsi que leurs uniformes volés. Quatre autres militaires ont en outre été blessés, selon les mêmes sources. La télévision d’Etat a pour sa part diffusé des images des corps mutilés des victimes. La chaîne wattanya 1 avait fait état de huit soldats tués lors d’échange de tirs avec un groupe terroriste au Mont Chaambi. «Il s’agit des membres d’une unité d’élite», a ajouté la chaîne. Cette attaque est à ce jour la plus meurtrière contre les forces tunisiennes depuis la révolution de 2011 en Tunisie qui est confrontée à un essor des groupuscules jihadistes que le pays ne parvient pas à juguler. La zone de Chaambi fait l’objet d’une chasse à l’homme depuis décembre et la mort par balles d’un gendarme. Le ratissage de ce mont par l’armée a redoublé au printemps après que plusieurs soldats eussent été blessés et tués par des engins explosifs cachés dans cette région. Le gouvernement a reconnu qu’un groupe armé lié à Al-Qaîda composé de plusieurs dizaines d’hommes était actif dans la région. Certains de ces combattants seraient des vétérans de la guerre au Mali. Depuis le début de la traque du groupe en décembre 2012 dans cette zone, quatre militaires et gendarmes ont été tués.
Le président Moncef Marzouki, tout en prédisant d’autres «défis, des sacrifices et des victimes», a lancé une mise en garde aux «terroristes». «Qu’ils ne se trompent pas, ce peuple va les combattre et nous trouverons les moyens de triompher», a-t-il dit. «Si nous voulons affronter ce danger (du terrorisme) nous devons l’affronter unis, j’appelle la classe politique à revenir au dialogue car le pays, la société sont menacés», a-t-il dit à la télévision, appelant plusieurs fois à «l’union nationale». Il ne manquera pas au titre de son intervention d’évoquer l’actuelle crise politique déclenchée la semaine dernière par l’assassinat du député d’opposition Mohamed Brahmi, regrettant que cette «tragédie» n’ait pas provoqué l’union mais «la division et l’anarchie» en Tunisie.
R. I. / Agences
«Ce gouvernement continuera d’assumer ses fonctions»
Hier dans la soirée, quelques milliers de manifestants se sont réunis une nouvelle fois devant l’Assemblée nationale constituante (ANC), après la rupture du jeûne du ramadan, pour en réclamer la dissolution et la démission du gouvernement. L’armée et la police étaient présentes en nombre, alors que des heurts y ont eu lieu ces dernières nuits. En fin d’après-midi, le Premier ministre Ali Larayedh, issu du parti islamiste Ennahda, a lui exclu tout départ mais promis des élections le 17 décembre. «Ce gouvernement continuera d’assumer ses fonctions, nous ne nous accrochons pas au pouvoir mais nous avons un devoir et une responsabilité que nous assumerons jusqu’au bout», a-t-il dit tout en se disant «ouvert au dialogue». La date du 17 décembre est hautement symbolique car il s’agit du jour en 2010 où le vendeur ambulant Mohamed Bouazizi s’est immolé par le feu, donnant le coup d’envoi à la révolution tunisienne. Les autorités ont annoncé de multiples calendriers électoraux qui n’ont pas été respectés et M. Larayedh promettait jusqu’à présent un scrutin avant la fin 2013.
L’UGTT appelle à la dissolution du gouvernement
Le puissant syndicat tunisien, UGTT, a décidé, lors d’une longue réunion dans la nuit de lundi à mardi, de réclamer le départ du gouvernement dirigé par les islamistes après l’assassinat d’un député d’opposition, selon son secrétaire-général adjoint. La centrale syndicale n’a cependant pas fixé d’ultimatum et n’a pas appelé à la dissolution de l’Assemblée nationale constituante (ANC), revendication phare d’une coalition hétéroclite de partis d’opposition. «L’UGTT appelle à la dissolution du gouvernement et à la composition d’un gouvernement de compétence formé par une personnalité consensuelle», a déclaré à l’antenne de la radio Mosaïque FM, le secrétaire-général adjoint du syndicat, Sami Tahri. Il a aussi indiqué que l’UGTT, forte de quelque 500 000 membres, était favorable à ce que l’ANC vote sur le projet de Constitution, dont l’élaboration est à la peine depuis des mois. Le syndicat réclame cependant une évaluation indépendante du texte. Le syndicat a adopté une position bien plus nuancée qu’une large partie de l’opposition qui comptait sur la puissante centrale syndicale pour obtenir la dissolution de l’ANC et du gouvernement. Pour qu’un tel scrutin puisse avoir lieu, la Constitution et un code électoral doivent être adoptés, ce qui n’est toujours pas à l’ordre du jour.
Le suspect du meurtre de Brahmi est un Franco-Tunisien
Le principal suspect du meurtre de Brahmi est «manifestement» un Franco-Tunisien, Boubakeur El-Hakim, condamné en France à sept ans de prison mais libéré depuis, a indiqué une source française qui suit le dossier.
Un local d’Ennahda saccagé ce matin
Un local à Kasserine (ouest) du parti islamiste Ennahda, au pouvoir en Tunisie, a été saccagé dans la nuit de lundi à mardi par des manifestants, a constaté un journaliste de l’AFP. Un appel à un vaste rassemblement dans la ville à partir de 20H00 GMT (21H00 locales) aujourd’hui a été lancé par plusieurs formations politiques suite au massacre des huit soldats.
La rue en ébullition
Une soixantaine de députés continuaient, hier, de boycotter les réunions de l’ANC et de manifester devant son siège pour obtenir sa dissolution. La police est intervenue pour séparer à cet endroit opposants et partisans du gouvernement. L’intervention a été moins musclée que celle de la nuit précédente, mais un député, Noomane Fehri, a été blessé par des policiers et est actuellement hospitalisé, selon son témoignage diffusé à la télévision. Toujours hier matin, à Sidi Bouzid, ville natale de Brahmi et berceau de la révolution de 2011, la police a tiré des gaz lacrymogènes pour disperser des manifestants réclamant la chute du gouvernement. Comme les proches de Belaïd auparavant, la famille de Brahmi accuse directement Ennahda d’être responsable de sa mort.
Un gouvernement d’union nationale pour Ettakatol
Le parti tunisien Ettakatol, formation laïque de centre-gauche alliée aux islamistes au pouvoir, a réclamé, mardi, la formation d’un gouvernement d’union nationale. «L’unité nationale est une obligation pour tous les Tunisiens de tous les bords politiques. Nous appelons tous les partis et organisations à assumer leurs responsabilités devant les Tunisiens et à former un gouvernement d’union nationale», a indiqué Ettakatol dans un communiqué. Le parti dirigé par le président de l’Assemblée nationale constituante (ANC) Mustapha Ben Jaafar n’a cependant fixé aucun ultimatum à Ennahda, le parti islamiste à la tête du gouvernement, et n’a pas évoqué son éventuel retrait du cabinet actuel.