Tunisie : Un ex-ministre évoque un « coup d’Etat militaire » en cas de victoires des islamistes

Tunisie : Un ex-ministre évoque un « coup d’Etat militaire » en cas de victoires des islamistes

L’ex-ministre de l’Intérieur du gouvernement tunisien de transition, Farhat Rajhi a suscité jeudi un vif émoi en dénonçant la préparation d’un « coup d’Etat militaire » dans le pays en cas de victoire des islamistes aux élections du 24 juillet. Le gouvernement transitoire tunisien a aussitôt condamné ces déclarations, soulignant qu’elles « portaient atteinte à l’ordre public », tandis qu’environ 300 Tunisiens ont manifesté jeudi dans la capitale en faveur de M. Rajhi avant d’être dispersés, parfois violemment par la police.

« Si le mouvement islamiste Ennahda gagne les prochaines élections, le régime sera militaire (…) », a affirmé M. Rajhi dans une vidéo postée sur Facebook dans la nuit de mercredi à jeudi, dont il a confirmé la teneur jeudi sur la radio tunisienne Express FM.

« Depuis l’indépendance (de la Tunisie), la vie politique est dominée par les gens du Sahel tunisien » comme les anciens présidents tunisiens Habib Bourguiba et Ben Ali et « après le changement de situation – la chute de Ben Ali le 14 janvier, ndlr – ces gens ne sont pas prêts à céder le pouvoir. Si les résultats des prochaines élections vont contre leurs intérêts il y aura un coup d’Etat militaire », a-t-il ajouté.

« Le dernier voyage du Premier ministre tunisien Béji Caïd Essebsi à Alger (le 15 mars) a consisté à se coordonner sur ce point », a-t-il encore accusé.

« La nomination, le 18 avril, du général Rachid Ammar au poste de chef d’état-major inter-armes n’est qu’une préparation à ce coup d’Etat », a encore affirmé M. Rajhi dans l’interview postée sur Facebook.

Le général Ammar jouit d’une très grande popularité depuis son refus en janvier de faire tirer sur les manifestants pendant le soulèvement contre le régime de Ben Ali.

M. Rajhi a maintenu jeudi ses propos, déclarant avoir « parlé spontanément et clairement » sur la radio privée tunisienne Express FM, affirmant ne « rien regretter ».

Il s’agit de « déclarations dangereuses venant d’un haut responsable qui a été ministre de l’Intérieur », a déclaré à l’AFP le porte-parole du Premier ministère Moez Sinaoui.

« Nous sommes étonnés de cette déclaration qui met en doute l’honnêteté de l’armée tunisienne et cela prouve qu’il n’était pas en mesure de diriger un ministère aussi important que le ministère de l’Intérieur », a-t-il estimé.

« Nous n’avons pas encore de position officielle sur la déclaration de M. Rajhi, mais je peux vous dire que nous faisons confiance à tous les éléments de l’Etat et à la population pour qu’ils respectent la volonté du peuple », a déclaré à Reuters Nourdine Bhiri, membre du bureau exécutif d’Ennahda.

Un autre responsable d’Ennahda, Ajmi Ourimi, a déclaré à la radio tunisienne: « Le général Rachid Ammar (chef d’état-major) a promis au peuple tunisien qu’il protégerait la révolution et nous avons confiance que tout se déroulera dans un environnement paisible ».

En fin d’après-midi, la police a dispersé de manière parfois très musclée, une manifestation pro-Rajhi sur l’avenue Habib Bourguiba.

« Tout le peuple est avec Rajhi, c’est quelqu’un de courageux et d’honnête », avait déclaré un jeune en brandissant le drapeau tunisien tandis que d’autres manifestants appelaient « le peuple à se révolter contre la dictature ».

M. Rajhi avait été nommé ministre de l’Intérieur le 27 janvier, deux semaines après la chute du président Ben Ali avant d’être limogé le 28 mars sur proposition du Premier ministre Béji Caïd Essebsi.

Il a été ensuite nommé président du Haut comité des droits de l’Homme et des libertés fondamentales.

« Le Premier ministre ment quand il dit qu’il ne m’a pas limogé », a ajouté M. Rajhi dans sa déclaration sur Facebook, précisant qu’il n’avait été nommé que « grâce à Facebook » où il avait été surnommé « Monsieur propre » par des milliers d’internautes.

Dès sa prise de fonctions, M. Rajhi avait limogé des dizaines de directeurs au sein du ministère, symbole du régime oppressif de Ben Ali, et pris le 6 février la décision historique de suspendre le parti du président déchu, le RCD (Rassemblement constitutionnel démocratique).