Le palais de Carthage est immense. Démesuré. On y compte 332 pièces. Ce qui n’avait pas empêché Ben Ali de se faire construire un autre palais, à Sidi Dhrif, dans les hauteurs de Sidi Bou Saïd. Un 3e palais existe à Gammarth, à moins de dix kilomètres des deux autres. Signes extérieurs d’une dictature déchue. Entre les deux palais : 4 kilomètres. Ce dernier est désormais occupé par l’armée. Les richesses du dictateur déchu et de ses clans donnent des allures de mauvais « Dallas » à cet endroit. Le prochain président y vivra pour une durée de cinq ans.
#27. Ils sont vingt-sept. Vingt-sept candidats à postuler au fauteuil de président, la « chaise » selon l’expression populaire nationale. Sur le papier, le favori logique est Beji Caïd Essebsi, leader de Nidaa Tounes. Ce parti a obtenu 85 sièges dans la nouvelle Assemblée nationale. Une victoire relative (le Parlement compte 217 élus, 109 pour avoir la majorité) qui explique sa prudence (cf. interview accordée au Point le 28 octobre). L’homme a lancé sa campagne à Monastir, ville symbole du président Bourguiba. La machine Nidaa fonctionne à plein régime pour permettre à son candidat de l’emporter dès le premier tour.
#Opposants. Les opposants à Ben Ali avancent en ordre dispersé. Celui qui a présidé l’Assemblée constituante durant trois ans, Mustapha Ben Jaafar, tente de rallier à sa personne des profils similaires. Ahmed Néjib Chebbi, vétéran de la lutte politique sous Bourguiba puis sous Ben Ali, affiche un profil centriste, arguant : « La Tunisie a besoin de stabilité politique. Sans cela, elle ne s’en sortira pas. » Leurs partis politiques, Ettakatol pour le premier, Al-Joumouri pour le second, ont vécu un désastre dans les urnes, le 26 octobre : un élu chacun. Comme l’a écrit le chercheur Vincent Geisser, « avoir été opposant à Ben Ali ne paie plus ».
#Business. S’il y en a un qui ne fait pas mystère de ses ambitions, c’est l’homme d’affaires Slim Riahi. L’origine de sa fortune se trouve dans la Libye de Kadhafi. Il a dépensé sans compter lors des législatives, obtenant seize élus, ce qui fait de son parti, l’UPL, la 3e force politique du pays. Taquin, un élu du Front populaire a expliqué que l’UPL était la première société politique de Tunisie. Propriétaire du Club africain (une institution, comme son rival l’Espérance sportive), Slim Riahi veut être président. Peu importe le prix à payer.
#Ennahda. Le parti islamiste que préside Rachid Ghannouchi a décidé de ne pas avoir de candidat à la présidentielle. Objectif tactique : prouver qu’il ne veut pas cumuler tous les pouvoirs. Ennahdha a connu un revers aux législatives, perdant vingt sièges par rapport au vote de 2011. Il est cependant la deuxième puissance politique de Tunisie avec 69 députés. Il est incontournable. Le cheikh a promis que la Choura, le bureau politique, annoncerait une consigne de vote. En lice : Chebbi, Ben Jaafar…
#Algérie. Dans un contexte de fortes activités terroristes dans la région – depuis la Kabylie jusqu’au Sinaï -, le président de la République tunisienne doit être compatible avec le régime d’Alger, ce qui écarte une série de candidats. Ben Jaafar, Chebbi, Essebsi sont algéro-compatibles. Face à la Libye, en proie aux milices armées, ces deux pays font front commun d’un point de vue sécuritaire. Les dernières rumeurs donnent Ben Jaafar comme favori des dirigeants d’Ennahda. Pas sûr que la base accepte cet ordre. Pas sûr que la Choura parvienne à un accord.
#Marzouki. L’actuel président de la République est entré en campagne. S’il peut compter sur les régions intérieures, l’homme est détesté des médias et des élites. Son atout : il utilise un langage compréhensible par le peuple. Marzouki est cependant esseulé sur la scène politique.
#Chiffres. 5,2 millions de Tunisiens se sont inscrits sur les listes électorales. Le premier tour de la présidentielle se déroulera le 23 novembre.