Les Tunisiens veulent réussir le même coup qu’en Egypte : déposer le gouvernement d’Ennahdha qui n’auraient pas répondu aux attentes de la révolution.
Un mouvement de rébellion, calqué sur celui d’Égypte et « ouvert à tous les jeunes Tunisiens, aux forces démocratiques et à toutes les composantes de la société civile ayant comme but le redressement du processus révolutionnaire », arpente, depuis le 30 juin, la Tunisie. Objectif : recueillir des signatures pour leur pétition qui appelle à la dissolution de l’Assemblée nationale constituante (ANC), la formation d’un gouvernement d’union nationale, la désignation d’un comité d’experts chargé de rédiger la nouvelle loi fondamentale et l’adoption d’un calendrier pour les prochaines élections. Selon les organisateurs de ce mouvement, appelé Khnaktouna (vous nous étouffez), ils en auraient recueilli, depuis le 8 juillet, premier jour de son lancement, « près d’un million ». L’opposition s’y met aussi dans cette guerre ouverte à la troïka au pouvoir qui « fait croire que tout va bien alors que rien ne va ». Elle multiplie les initiatives. Sous la houlette du Front populaire et de Nidaa Tounes, près de cinquante partis politiques et plusieurs dizaines d’ONG ont élaboré, ce week-end, une feuille de route et proposé aux Tunisiens opposés à Ennahdha la tenue d’un congrès national. « L’attentisme est le mal qui ronge le pays. Maintenant, il faut créer un rapport de force comme en Égypte », estime Boujemaa Remili, membre fondateur de Nidaa Tounes, un parti qui estime que la Constitution doit être achevée d’ici au 23 octobre 2013, deux ans après l’élection de l’ANC, et appelle à dissoudre la Ligue de protection de la révolution. « La crise politique engendre les problèmes sociaux et économiques, et l’incertitude pèse sur les investisseurs », déclare Mongi Rahoui, député du Front populaire, un parti qui fait campagne pour la dissolution de l’Assemblée. Le parti islamiste, qui a dénoncé le redressement révolutionnaire au Caire, condamne cette rébellion rampante. « C’est de l’opportunisme politique » estiment plusieurs de ses responsables. Comme Ghannouchi, leur président, ils écartent tout scénario à l’égyptienne chez eux. Un avis que Mustapha Ben Jaafar, le président du parti Ettakatol, membre de la coalition au pouvoir, et de l’ANC, ne partage pas. « La troïka doit retenir les leçons de ce qu’il s’est passé en Égypte » dit-il. L’UGTT, la puissante centrale syndicale, appelle au « consensus ». Selon les observateurs, un nouveau vent de révolte souffle en Tunisie. Comme en 2010, la jeunesse pourrait être son fer de lance. « Les Tunisiens ont nettement plus de raisons de chasser Moncef Marzouki que les Egyptiens de se révolter contre Mohamed Morsi », affirmait récemment Mezri Haddad, l’ex-représentant de Tunis à l’UNESCO. Il est vrai que le parti de Ghannouchi, qui a annoncé pas moins de 17 dates pour les élections, trahit son désir : rester au pouvoir avec ses deux vitrines, la « laïque », du CPR et la socialisante, de Ettakatol.
Djamel Boukrine