Tunisie, L’épreuve de force de Jebali

Tunisie, L’épreuve de force de Jebali

La Tunisie est dans l’impasse. Les fondations de l’alternance, qui se voulait porteuse d’espoirs de changement démocratique, de liberté et de bien-être collectif sont menacées.



Londe de choc de l’assassinat de Belaïd Chokri, a établi de façon incontestable la ligne de démarcation sanglante entre le camp de la majorité politique et le camp de la nouvelle majorité sociale, révélée par l’électrochoc de l’assassinat de Belaïd Chokri, viscéralement opposé et acquis à une alternative démocratique et moderniste. La fracture est là. Elle frappe de plein fouet une coalition, menacée d’implosion et évoluant à contre-courant des exigences de changement de la société en ébullition.

La bataille de leadership fait rage au sein de la formation Ennahda, divisée en clans rivaux : l’aile radicale, retranchée autour de l’inamovible Rached Ghannouchi criant au « complot », et l’aile modérée emmenée par le SG et Premier ministre, Hamid Jebali, prônant une ouverture tous azimuts pour dépasser la crise politique et institutionnelle. « On est revenu à la case départ, les accords en vue d’une participation au gouvernement des personnalités de la société civile semblent tombés à l’eau », explique l’ancien ministre des Réformes administratives, Elyes Jouini.

La proposition d’un gouvernement de technocrates, associant des personnalités indépendantes chargées des ministères régaliens, des technocrates pour le secteur économique et des « politiques » pour les portefeuilles de l’éducation et de la culture, est largement compromise par le refus catégorique de Ghannouchi qui entend imposer son contrôle sur les ministères de souveraineté (Intérieur, Affaires étrangères et Justice) décriés. Jebali, qui lie son sort à celui du « gouvernement apolitique », réussira-t-il à arracher le consensus vital pour la mise en place du gouvernement technocratique combattu par les siens, attachés à défendre la légitimité des urnes ? Dans un communiqué, le Conseil consultatif, réuni samedi et dimanche à Hammamet en présence de Jebali, a affirmé que « nous restons attachés à la formation d’un gouvernement politique et de coalition qui tire sa légitimité des élections du 23 octobre 2011 et qui serait ouvert à des compétences nationales engagées à réaliser les objectifs de la révolution ».

Ennahda souligne que le prochain gouvernement devra travailler sur la base d’« un programme politique portant sur la réalisation d’une transition, la rédaction rapide de la Constitution et l’organisation d’élections démocratiques ». Mais la majorité électorale a déjà vacillé dans ses fondations. L’effet Ennahda, écartelée en tendances rivales, a déteint sur ses alliés qui ne savent plus sur quel bord idéologique danser. La victime expiatoire reste le CPR du président Moncef Merzouki qui se vide de ses élus et de ses dirigeants.

Après le départ massif de ses députés, en mai 2012, rejoignant les rangs du nouveau parti, Wafa, la démission de trois députés et du chef du mouvement, Mohamed Abbou, fragilise une coalition en lambeaux.

L’un des députés démissionnaires, Lazhar Chemli, estime que « le CPR compose avec une certaine diversité d’idéologies, ce qui est devenu une source de difficultés au lieu de richesses ». Dans cette crise multidimensionnelle, l’avenir de la transition impose une équation à hauteur des défis et des urgences nettement affirmés en matière de réformes politiques et économiques.

Larbi Chaabouni