La Tunisie semble éviter le chaos. Ainsi et conformément à l’accord conclu dans le cadre du dialogue national, le Premier ministre, Ali Laarayedh, issu du parti islamiste Ennahda, a remis sa démission, jeudi, au président Moncef Marzouki, pour laisser place à Mehdi Djomaâ, ministre sortant de l’Industrie.
M. Laarayedh continuera, néanmoins, à gérer les affaires courantes jusqu’à la constitution, dans les quinze jours qui suivent, d’une nouvelle équipe composée de personnalités indépendantes. Cette dernière a pour premier objectif la tenue d’élections législatives et présidentielle en 2014. Selon le Premier ministre sortant, « les conditions étaient réunies pour qu’il cède sa place, suite à la formation par la Constituante d’une instance électorale ». Diversement apprécié, le retrait du parti de Rached Ghannouchi du gouvernement ne signifie pas pour autant son éviction de l’échiquier politique, soulignant que ses députés ont toujours la mainmise sur l’Assemblée nationale constituante (ANC) avec leurs alliés du Congrès pour la République (CPR) du président Marzouki, et ceux d’Ettakatol de Mustapha Ben Djaâfar, même si leur influence n’est plus aussi importante comme c’était le cas il y a quelques mois. Ce qui explique, en grande partie, l’avancement notable dans l’adoption de la nouvelle Constitution au sein de l’instance législative. Ses membres poursuivent, en effet, le vote des différents chapitres du projet devant parachever le processus transitoire et l’établissement des institutions constitutionnelles avant que le gouvernement indépendant n’entame ses fonctions, et ce, sur la base de la feuille de route convenue lors du dialogue national. Les élus ont pu se mettre d’accord sur pratiquement les grands principes de la mouture constitutionnelle, notamment la criminalisation « l’apostasie et l’incitation à la violence ». « L’Etat est le seul garant des symboles sacrés et de l’impartialité des mosquées de toute exploitation partisane », stipule le texte. Autre nouveauté : les députés ont rejeté les propositions qui appellent à inclure l’article consacrant l’islam comme la seule source pour légiférer. « La Tunisie est un Etat libre et souverain, l’islam est sa religion, l’arabe sa langue et la république son régime », édicte la mouture. D’autre part, l’ANC a adopté un autre chapitre mettant en relief « le caractère républicain » des forces de sécurité et de l’armée tout en les obligeant à observer une « neutralité totale à l’égard des partis politiques ». Rappelons aussi l’adoption du chapitre consacrant l’égalité entre les Tunisiennes et Tunisiens dans les droits et les devoirs. Par ailleurs, les élus ne sont toujours pas parvenus à se mettre d’accord sur quelques articles, notamment ceux relatifs aux prérogatives du président de la République, du Premier ministre et de la composante du pouvoir judiciaire. La commission parlementaire spécialisée est parvenue à mettre au point de nouveaux chapitres pour élargir les prérogatives du chef de l’Etat tout en veillant à un équilibre entre le chef de l’Etat et le Premier ministre. Ce grand remue-ménage institutionnel intervient alors que des affrontements ont opposé, jeudi, des manifestants aux forces de l’ordre à Kasserine, dans le centre-ouest du pays.
Amine Goutali