Les réserves de la Troïka au pouvoir et l’indécision de l’opposition vont-elles compromettre la dernière chance d’un « dialogue national » vanté, pourtant, par tous les acteurs nationaux tunisiens.
Le « oui, mais » d’Ennahda, conditionnant l’avènement d’un gouvernement technocratique par l’émergence d’un consensus sur la Constitution et un calendrier électoral précis, le CPR du président Merzouki « prêt à discuter » de l’initiative des médiateurs, en l’occurrence l’Union Générale des travailleurs tunisiens (UGGT), le patronat UTICA, l’Ordre national des avocats et la Ligue tunisienne de défense des droits de l’homme, et l’attente de la réponse définitive du Front de salut, regroupant l’opposition laïque, jettent un voile opaque sur l’issue de la crise en Tunisie. La relance du dialogue interne reste tributaire de meilleures opportunités de partenariat politique, car la date butoir fixée par l’UGTT a largement expiré sans que les signes d’un consensus salvateur ne soient visibles.
Des désaccords plombent le Front de salut qui peine à dégager une position commune. Le climat d’incertitudes véhicule la crise de confiance clairement exprimée par la montée au créneau de l’UGGT accusant le parti majoritaire, Ennahda, d’entretenir des « ambiguïtés » sur la feuille de route jugées néfastes au processus de normalisation politique et à la sortie de crise générée par le double attentat commis contre Choukri et Mohamed Brahmi. « Nous considérons que le communiqué d’Ennahda est ambigu et permet des manœuvres, des interprétations et des lectures diverses », a estimé, lors d’une conférence de presse, Houcine Abassi, secrétaire général du syndicat. Il a précisé qu’« on ne peut accepter leur accord, car la moitié de la feuille de route n’a pas fait l’objet d’une réponse précise ».
Toutefois, le cap est maintenu. « Nous tenons à notre initiative et nous allons œuvrer à la faire appliquer en nous appuyant sur nos propres forces et sur notre peuple avant tout », a-t-il souligné. La feuille de route, acceptée par le Front de salut, selon Abassi, impose une concertation autour du « dialogue national », placée sous l’autorité du président Moncef Merzouki et nécessitant la présence du Premier ministre, Ali Lareydh. L’annonce d’un cabinet d’indépendants en remplacement du gouvernement islamiste, attendue dans 3 semaines, et, parallèlement, la désignation par l’Assemblée nationale constituante d’une commission chargée de fixer le calendrier électoral et d’adopter la nouvelle Constitution « dans un délai ne dépassant pas 3 semaines », selon les exigences d’Ennahda, suscitent un bras de fer incessant entre la troïka et l’opposition qui ne veulent pas lâcher du lest.
Le processus de démocratisation inachevé, deux ans après la révolution de janvier 2011 et 23 mois après l’avènement de l’Assemblée constituante, pénalise la transition, en panne d’institutions pérennes et paralysée par le bras de fer improductif pour la nouvelle Tunisie confrontée aux priorités déterminantes pour son devenir communautaire : la stabilité et la sécurité menacées par le défi terroriste croissant, la relance des projets de développement pour concrétiser les idéaux de changement politique et de bien-être collectif.
Larbi Chaabouni