Tunisie : Le gouvernement d’unité nationale entre rejet et approbation

Tunisie : Le gouvernement d’unité nationale entre rejet et approbation
tunisie-le-gouvernement-dunite-nationale-entre-rejet-et-approbation.jpg

Alors que la vie semble reprendre progressivement son cours normal dans différentes régions de la Tunisie, le Premier ministre M. Mohamed Ghannouchi annonce l’organisation d’élections dans six mois au plus tard, sachant que la Constitution tunisienne prévoit leur tenue dans un délai de 45 à 60 jours.

Le chef de l’exécutif a, cependant, précisé lors de l’annonce de la formation d’un gouvernement d’unité nationale que ce laps de temps était insuffisant pour engager des réformes « nécessaires » à la tenue d’élections démocratiques, régulières et transparentes. Cette coalition gouvernementale a suscité des réactions diverses et contrastées de la part de nombreux partis politiques même ceux qualifiés d’alliés au régime.



M. Hichem Hadji, membre du bureau politique du parti de « l’Unité populaire » écarté de ce gouvernement, a estimé que l’annonce de la formation de ce gouvernement était un « évènement important », eu égard à la conjoncture actuelle qui nécessite des « messages » qui redonnent confiance et espoir à tous les enfants de la Tunisie. Pour lui, la formation d’un gouvernement qu’il soit d’unité nationale, de réforme ou de transition, est en soi « un message important au peuple tunisien car il comprend des personnalités « compétentes appartenant à différentes sensibilités politiques ».

Le parti de « l’unité populaire » a exprimé son soutien à ce gouvernement bien que n’en faisant pas partie, et s’est dit disposé à collaborer avec lui pour dépasser cette étape « difficile » que traverse le pays. Il a cependant formulé le vœu de voir le pays, durant la prochaine étape, « dépasser la mentalité de l’exclusion » et cesser d’ »affubler gratuitement les personnalités politiques d’étiquettes » afin de ne pas ouvrir le champ à une culture « anti-démocratique ».

La position du parti de « l’union démocratique unioniste » est complètement différente. Pour M. Ahmed Inoubli, « des tentatives sont en cours pour voler la révolution et les réalisations du peuple avec un appui étranger » et ce, dans l’objectif de « consacrer une ligne qui ne sert ni le peuple ni son identité arabo-islamique ». Il a catégoriquement refusé de faire partie d’un gouvernement « basé sur l’exclusion, un gouvernement qui n’associe pas toutes les forces nationales et ne répond pas aux exigences et objectifs d’une insurrection populaire ». Le parti de l’union démocratique a appelé « toutes les catégories du peuple tunisien et ses forces vives » à « la vigilance et à la lutte contre toutes les tentatives d’imposer la survivance des bases de l’ancien système avec ses symboles, ses appareils et ses options d’alliance avec des parties étrangères ».

Il a réitéré « son engagement le plus total » vis-à-vis des revendications populaires et son entière adhésion aux forces nationales dans leur lutte contre les options douteuses et pour la consécration de véritables alternatives nationales. M. Nadjib Chabi, Chef historique du parti « démocratique progressiste » désigné ministre du développement régional dans le gouvernement d’union nationale s’est déclaré quant à lui en faveur de la nouvelle instance exécutive estimant qu’elle renferme en tant que coalition nationale, trois formations dont d’anciens ministres connus pour leur compétence, des personnalités indépendantes ainsi que des membres de l’opposition dont le bâtonnier de l’ordre des avocats nommé ministre de la justice.

Il s’agit, a-t-il estimé, de parvenir à un « compromis » en vue d’assurer la transition qui sera marquée par la mise en place de mesures concrètes dont la libération des détenus politiques et d’opinion, l’élaboration d’une loi portant amnistie générale et la reconnaissance et l’accréditation immédiate des partis interdits sous Ben Ali. Le leader historique du parti « le Congrès pour la République » (gauche laïque), M. Moncef Merzougui, condamné à la prison sous le régime de Ben Ali, a qualifié le gouvernement de « fausse ouverture » et dénoncé la reconduction de ministres de l’ancien régime.

Pour M. Merzougui, le Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD) qui était au pouvoir a reconduit les ministres de l’ancien régime dans des postes stratégiques dont les Affaires étrangères et l’Intérieur, alors que l’opposition n’a obtenu que trois portefeuilles et la véritable opposition politique tunisienne a été exclue.

Il a souligné dans ce contexte que le peuple tunisien avait consenti d’énormes sacrifices pour faire tomber l’ancien régime et tous ses symboles, deplorant que ce gouvernement d’union nationale ne soit en fait qu’un gouvernement de façade car il a exclu plusieurs partis d’opposition et offert les postes-clés aux ministres de l’ancien régime.

L’UGTT se retire du gouvernement d’union nationale et du Parlement

L’Union générale tunisienne du travail (UGTT) s’est retirée du gouvernement d’union nationale annoncé lundi soir par le Premier ministre tunisien, Mohammed Ghannouchi, « en raison du maintien de plusieurs ministres » de l’ancien régime au sein du nouveau cabinet. M. Mohamed Chendoul, secrétaire général adjoint de la puissante centrale syndicale tunisienne a indiqué que la direction de l’Union avait examiné les derniers développements en Tunisie après l’annonce du gouvernement d’union nationale et a décidé de « retirer » ses représentants du Parlement.

Le gouvernement d’union nationale était composé, notamment, de personnalités membres de l’UGTT, à savoir MM. Houssine Dimassi (ministre de la Formation et de l’Emploi), Abdeljelil Bédoui (ministre auprès du Premier ministre) et Anouar Ben Gueddour (secrétaire d’Etat auprès du ministre du Transport et de l’équipement). M. Chendoul a motivé cette décision par le « déséquilibre » qui a caractérisé selon lui le gouvernement outre la présence de plusieurs ministres issus du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), parti au pouvoir du temps de Ben Ali. Les concertations concernant la formation du nouveau gouvernement ont eu lieu « dans la précipitation sans tenir compte du facteur qualité dans le choix des candidats aux postes ministériels, a-t-il ajouté. Il a, en outre, précisé que l’UGTT a également décidé de se retirer des instances législatives du pays à savoir le Parlement et le Conseil consultatif.

Le président Mebazaa et le Premier ministre Ghannouchi démissionnent du RCD

Le président tunisien par intérim, Foued Mebazaa, et le Premier ministre, Mohammed Ghannouchi, ont démissionné hier,du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD) qui annoncé la radiation de ses rangs de l’ex-président Zine El Abidine Ben Ali. Cette démission du RCD de MM. Mebazaa et Ghannouchi « concrétise une décision de séparation entre les organes de l’Etat et les partis politiques », décidée par le nouveau gouvernement d’union nationale.

Le Rassemblement constitutionnel démocratique a annoncé de son côté dans un communiqué avoir radié de ses rangs l’ex-président Ben Ali et six de ses collaborateurs et ce « sur la base de l’enquête menée au niveau du parti, à la suite des graves événements qui ont secoué le pays » ces dernières semaines.