Le président par intérim promet une rupture avec le passé en garantissant, notamment, la liberté totale d’information, l’indépendance de la justice et la séparation entre l’Etat et le parti.
A la rue comme au gouvernement, les événements s’accélèrent en Tunisie. Le gouvernement de transition a entamé ses premières actions. Jeudi dernier, l’Exécutif s’est réuni en Conseil des ministres. Il s’agit d’une première rencontre depuis la chute du président Zine El Abidine Ben Ali, il y a une semaine, jour pour jour. Plusieurs décisions ont été prises lors de cette réunion. La mesure politique jugée de «plus importante» est incontestablement l’adoption d’un projet de loi d’amnistie générale. Autrement dit, le gouvernement a décidé d’amnistier tous les hommes politiques et opposants, islamistes compris, condamnés par la justice tunisienne sous le règne du président déchu. Le mouvement Ennahdha sera concerné par cette loi.
A la déclaration du Premier ministre, Mohammed Ghannouchi, qui avait annoncé la légalisation de tous les partis politiques qui le demanderont, le parti islamiste Ennahdha, interdit sous le régime du président déchu, avait annoncé mardi qu’il allait demander sa légalisation. Le projet de loi relatif à l’amnistie a été présenté par le ministre de la Justice. Il a été adopté par le Conseil des ministres, en attendant l’aval du Parlement qui se prononcera sur le dossier dans les jours à venir.
Le gouvernement de transition a annoncé hier, que la commission chargée de la préparation des élections entamera sa mission en «concertation avec toutes les tendances et toutes les sensibilités, sans aucune exception» afin de concevoir de nouvelles lois et d’en revoir certaines.
Comme mesure de solidarité et de compassion avec les victimes de cette révolution, le gouvernement a décrété jeudi un deuil national de trois jours «à la mémoire des victimes» de la «Révolution de jasmin». Lors de cette même réunion, il a été décidé que la reprise des cours dans les écoles et universités aura lieu dès le début de la semaine prochaine.
Par une telle décision, le gouvernement veut donner un signal fort de la normalisation de la situation dans le pays après les événements douloureux qui l’ont secoué pendant plus d’un mois. Offrant un nouveau gage de démocratisation, le gouvernement a supprimé la police politique des universités, traditionnels foyers d’agitation contre le pouvoir, «en application du principe de l’inviolabilité des campus». Cette démarche est intervenue au lendemain de la promesse faite par le président de transition, Foued Mebazaa, qui avait promis «une rupture totale avec le passé».
Le président par intérim se dit déterminé à ce que «le gouvernement de transition conduise une rupture totale avec le passé», a déclaré mercredi soir M.Mebazaa à la télévision d’Etat. Pour sa première intervention publique depuis qu’il assure l’intérim de la présidence, M.Mebazaa s’est penché sur trois questions jugées importantes. Il s’agit d’assurer l’amnistie générale, la liberté totale d’information, l’indépendance de la justice et la séparation entre l’Etat et le parti. «Je m’engage auprès de vous, à déployer tous les efforts et à utiliser toutes mes prérogatives pour que le pays traverse cette phase difficile et qu’on aboutisse à ce que toutes les aspirations légitimes du soulèvement soient satisfaites et que se réalise cette révolution de la liberté et de la dignité», a-t-il déclaré. Et de promettre: «Ce gouvernement va procéder à la séparation entre l’Etat et le parti».
Par la même occasion, il s’est penché sur le mouvement de contestation qui a fait plus de 100 morts lors des cinq dernières semaines. «Je veux rendre hommage aux martyrs, les martyrs de la dignité et de la liberté», a souligné M.Mebazaa, qui a évoqué «l’héroïque peuple tunisien qui a montré qu’il est capable de changer l’histoire». Sur les actes de pillage et de vandalisme qui ont suivi la fuite du président déchu, M.Mebazaa a tenté de rassurer les Tunisiens en annonçant qu’«on a découvert ceux qui sont responsables de la terreur dans le pays, on a arrêté les bandes armées, la situation évolue vers la normalité», a-t-il conclu.
Tahar FATTANI