Le gouvernement, dirigé par les islamistes d’Ennahda, a appelé, hier, dimanche, les militants jihadistes à se rendre tout en multipliant les opérations policières.
«Rendez les armes, rendez-vous à la police, la société et la justice le prendront en considération», a déclaré le Premier ministre, Ali Larayedh, cité par l’agence TAP, pour résoudre une crise politique causée par des attaques de sa mouvance.
Parallèlement, une opération «aérienne et terrestre» de l’armée lancée jeudi soir, sur le mont Chaâmbi (ouest, frontière algérienne) se poursuivait pour «éradiquer» un groupe armé qui serait lié à Al-Qaîda. Sur le front politique Ennahda a organisé dans la nuit de samedi à dimanche, après la rupture du jeûne, un rassemblement massif en réponse aux appels à la démission du gouvernement et à la dissolution de l’Assemblée nationale constituante (ANC). Les islamistes ont pu réunir des dizaines de milliers de partisans à Tunis – 200 000 selon le parti – pour défendre leur «légitimité». Rached Ghannouchi, le chef d’Ennahda, a estimé que ce rassemblement avait fait échouer une tentative «d’importer un coup d’Etat», en référence à la destitution par l’armée du président Mohamed Morsi le 3 juillet en Egypte. Mais la coalition hétéroclite d’opposition qui organise des manifestations nocturnes quotidiennes depuis la mort de M. Brahmi a assuré qu’elle ne baissait pas les bras. C’est ainsi que dans la nuit de dimanche à lundi, les manifestants devant l’ANC étaient, une nouvelle fois, quelques milliers. Le député Samir Ettaïeb a accusé Ennahda d’avoir utilisé des fonds publics pour ramener par bus des milliers de manifestants de tout le pays, expliquant ainsi l’ampleur de cette mobilisation. Les opposants ont aussi appelé à un grand rassemblement pour demain, mardi, afin de réclamer le départ du gouvernement et la dissolution de l’ANC, dont les travaux sont paralysés faute de consensus sur le projet Constitution. Une séance plénière de l’assemblée a été annoncée pour la même journée afin de débattre de la situation sécuritaire, une réunion qualifiée d’illégale par l’opposition. «Le bureau de l’ANC est seul à pouvoir convoquer une plénière, or cinq des dix membres, dont moi, le boycottent et donc le quorum n’est pas atteint. C’est une séance illégale», a dénoncé la député Karima Souïd. Dans ce contexte, des journaux tunisiens se montraient sévères vis-à-vis des deux camps, incapables, selon eux, de stabiliser le pays et de répondre aux attentes d’une population excédée par la misère, facteur au cœur de la révolution de 2011. Pour le quotidien ‘La Presse’, le pouvoir se défend via des «meetings moutonniers de fidèles et des déclarations enflammées et à l’emporte-pièce». «Profondément obsédés par ce qui s’est passé en Egypte, ils en arrivent à perdre la faculté de discernement politique», note le journal. Mais le verdict est aussi sévère pour l’opposition : «Ses structures, son programme d’action, ses instances dirigeantes et son échéancier de sortie de crise demeurent inconnus, ou vagues et flous».
R. I. / Agences
Arrestation et liquidation de djihadistes
Hier soir, dimanche, le ministre de l’Intérieur, Lotfi Ben Jeddou, a apporté des précisions sur une série d’opérations «antiterroristes» menées depuis vendredi dernier à travers le pays. L’une d’elles à Sousse (140 km au sud de Tunis) a permis l’arrestation d’un suspect, Lotfi Ezzine, impliqué dans l’assassinat, le 25 juillet dernier, du député de l’opposition, Mohamed Brahmi, la première dans cette affaire. Le ministre n’a apporté aucune précision sur le rôle que l’individu aurait joué dans ce meurtre attribué à la mouvance salafiste et qui a déclenché une profonde crise politique. M. Ben Jeddou a aussi indiqué qu’une opération qui a eu lieu hier, dimanche, à l’aube, à Tunis, a permis l’arrestation d’un complice présumé, Ezzedine Abdelaoui, dans l’assassinat en février de l’opposant Chokri Belaïd. Lors de l’assaut mené par la Brigade anti-terroriste (BAT), un autre «terroriste» a été tué et quatre blessés. Lors d’autres interventions, un homme soupçonné de préparer un attentat suicide a été arrêté et trois «extrémistes religieux» préparant un attaque contre une banque ont été mis sous les verrous. Deux trafiquants d’armes ont aussi été arrêtés à la frontière libyenne en possession de kalachnikovs, de roquettes et de détonateurs.
Pertes dans les rangs de l’armée
Un soldat a été tué et d’autres ont été blessés, hier, dimanche, par l’explosion d’un engin au passage de leur blindé au mont Chaâmbi (ouest), où l’armée tunisienne pourchasse un groupe lié à Al-Qaîda, selon une source militaire et des médias. Une source sur le terrain des opérations près de la frontière algérienne a indiqué que l’explosion de l’engin a tué un soldat et en a blessé quatre autres. Les radios Shems-FM et Mosaïque font état d’un bilan de un mort et cinq blessés et identifient le défunt comme le caporal-chef qui conduisait le blindé. L’agence officielle TAP évoque, elle, un bilan de un mort et sept blessés, citant une source militaire. L’armée tunisienne n’a donné aucune information officielle sur ces opérations «aériennes et terrestres» déclenchées jeudi dernier au mont Chaâmbi. Elles font suite à une embuscade tendue lundi dernier, qui a tué huit soldats dont les corps ont été mutilés. Les autorités pourchassent dans cette zone depuis décembre un groupe de quelques dizaines de combattants présenté comme étant lié à Al-Qaîda au Maghreb islamique.