Ennahda avait placé cette notion au coeur de son programme politique, ce qui avait suscité une levée de bouclier au sein de la société civile.
La notion de blasphème ne figurera finalement pas dans la Constitution tunisienne. C’est ce qu’a affirmé ce vendredi 12 octobre le président de l’Assemblée nationale constituante,Mustapha Ben Jaafar, dont le parti de centre-gauche Ettakatol est allié aux islamistes d’Ennahda.
Une déclaration qui intervient alors qu’une vidéo volée du leader du parti Ennahda révèle son double langage vis-à-vis des islamistes.
« Il n’y aura pas de criminalisation [NDLR : de l’atteinte au sacré], bien sûr », a-t-il assuré. « Ce n’est pas parce que nous sommes d’accord avec les atteintes au sacré, mais parce que le sacré est très très difficile à définir ».
Ennahda avait placé cette notion au coeur de son programme politique, ce qui avait suscité une levée de bouclier au sein de la société civile, qui y voit la porte ouverte aux atteintes à la liberté d’expression.
Selon Ben Jaafar, le principal point d’achoppement reste la question du futur régime politique, les islamistes souhaitant un modèle parlementaire tandis que les autres formations réclament un système mixte laissant d’importantes prérogatives au chef de l’Etat.
Plus que quelques jours pour rédiger la Constitution
« J’ai bon espoir pour que le compromis soit trouvé », a déclaré le président de l’Assemblée, qui rappelle qu’Ennahda a déjà renoncé à inscrire la charia dans la loi fondamentale.
Dès lors, une première mouture du texte sera soumise « en novembre » à l’ANC en session plénière, puis les élus débattront chaque article « en décembre-janvier ».
« Je pense que raisonnablement (…), on aura nos élections avant l’été 2013 », a ajouté Ben Jaafar, 72 ans, alors que la date d’adoption de la loi fondamentale et le calendrier électoral font l’objet de toutes les spéculations.
11 partis politiques s’étaient engagés à rédiger la Constitution dans un délai d’un an à compter de l’élection de l’ANC le 23 octobre 2011. Une partie de l’opposition juge dès lors que le gouvernement et l’Assemblée perdront leur légitimité à cette date anniversaire.
Des réussites, et des échecs
Mais Ben Jaafar rejette cette interprétation : « Un certain nombre de partis se sont engagés à respecter la date d’une année (…) mais cette date est beaucoup plus incitative que limitative ». « L’Assemblée est totalement souveraine pour fixer son rythme de travail », insiste-t-il. Et d’ajouter que la seule limite est un engagement « politique et moral » à aboutir à un texte rapidement.
Le président de l’ANC promet aussi promis de négocier « un consensus » sur le nouveau calendrier « au sein de l’Assemblée et en dehors », tout en demandant que personne ne « mette en cause la légitimité de l’ANC ». Une allusion au parti d’opposition Nidaa Tounes de l’ex-premier ministre Beji Caïd Essebsi.
Le Premier ministre Hamadi Jebali, un islamiste, a promis d’annoncer un nouveau calendrier consensuel le 18 octobre.
Face aux accusations de dérive autoritaire et d’échec sur le front socio-économique, au coeur des objectifs de la révolution de 2011, Ben Jaafar reconnaît des « fautes » de la part du gouvernement. « C’est un gouvernement où certains responsables ont manqué d’expérience et ont commis des fautes (…). Il y a des réussites, il y a aussi des échecs », analyse-t-il.
La vraie menace, « un retour à l’ancienne dictature »
Pour la seconde catégorie, il cite le cas d’une femme violée par des policiers et confrontée à la justice pour atteinte à la pudeur. « Là, on a commis une faute », avoue Ben Jaafar, qui déplore un amalgame « inacceptable ».
Il reconnaît également que « le gouvernement a manqué de fermeté » à l’égard des islamistes radicaux responsables des violences ayant « terni l’image de la Tunisie », comme l’attaque meurtrière de l’ambassade américaine mi-septembre : « La leçon a été tirée », mais ces ces groupes ne constituent pas « un risque majeur pour l’avenir de la démocratie », estime-t-il la vraie menace étant « un retour à l’ancienne dictature ».
Quant à son alliance avec les islamistes, Ben Jaafar a reconnaît »un choix difficile » dans l’intérêt de la nation, mais « pas assez compris » jusque dans les rangs de son parti déserté par 8 de ses 20 députés.