Tunisie: L’Assemblée entame trois jours de débats sur le projet de loi antiterroriste

Tunisie: L’Assemblée entame trois jours de débats sur le projet de loi antiterroriste
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Le Parlement tunisien a entamé mercredi matin trois jours de débats sur le projet de loi antiterroriste destiné à renforcer l’arsenal des autorités face à la menace jihadiste, au moment où la Tunisie voit les attentats se multiplier.

Plusieurs versions de ce texte sur « la lutte contre le terrorisme et le blanchiment d’argent », réclamé depuis la révolution de 2011, ont été élaborées ces derniers mois, sans être présentées aux députés en séance plénière faute de consensus en vue de son adoption.

Ce débat intervient dans un contexte de menace grandissante après les attaques qui ont fait des dizaines de morts parmi les touristes en juin à Sousse et en mars au musée du Bardo, revendiquées par le groupe Etat islamique.

Le projet présenté mercredi a fait l’objet d’un accord en commission entre les principaux groupes parlementaires, notamment le parti islamiste Ennahda et le parti Nidaa Tounès du président Béji Caïd Essebsi. Ces deux mouvements ont formé une coalition gouvernementale en début d’année faute de majorité claire à l’issue des législatives de fin 2014.

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« Ce projet est un des supports parmi d’autres (de la lutte contre la menace jihadiste), c’est un test historique et nous devons gagner », a martelé le député Nida Tounes Khaled Chouket.

Ce texte est appelé à remplacer une loi antiterroriste de 2003, adoptée sous la dictature de Zine El Abidine Ben Ali et largement utilisée, selon les défenseurs des droits de l’Homme, pour réprimer l’opposition, en particulier le parti Ennahda alors interdit.

Mais plusieurs ONG, dont Human Rights Watch et Amnesty international, se sont d’ores et déjà inquiétées de mesures liberticides dans la future loi.

Elles critiquent notamment la définition trop vague des crimes qualifiés de terroristes, le manque de garanties pour protéger les droits des prévenus ou encore des dispositions pouvant porter atteinte à la liberté d’expression et de la presse.

Des députés de l’opposition ont repris ces arguments tout au long de la journée.

« Nous avons peur que la lutte contre le terrorisme ne se transforme en une lutte contre les mouvements sociaux et populaires », a jugé l’élu de gauche (Front populaire, opposition), Ammar Amroussia.

Son collègue Salem Labiadh, un indépendant qui a été ministre en 2013 dans le gouvernement de l’islamiste Ali Larayedh, s’est montré encore plus virulent.

« Cette loi ne va pas limiter le phénomène du terrorisme, cette loi va alimenter le terrorisme (…) cette loi ne fait pas la différence entre les mouvements sociaux et protestataires et l’acte terroriste », a-t-il jugé.

Une autre critique des défenseurs des droits de l’Homme vise le délai de garde à vue de 15 jours sans que le suspect ne soit assisté d’un avocat ou présenté à un juge.

La Tunisie fait figure de modèle de transition démocratique réussi dans le monde arabe depuis sa révolution en janvier 2011, mais elle est confrontée à une menace jihadiste grandissante et à des tensions socio-économiques toujours plus aiguës, si bien que les autorités craignent de voir le pays basculer dans l’instabilité.