Une enquête judiciaire pour « acquisition illégale de biens » et « placements financiers illicites à l’étranger » a été ouverte ce mercredi contre le président déchu et sa famille. Retour sur la chute d’un clan.
Ces dernières années, souvent enfermé dans son palais de Carthage, le président Zine el-Abidine Ben Ali ne faisait plus guère confiance qu’à sa garde rapprochée, un petit groupe de conseillers jusqu’au-boutistes.
Parmi eux figuraient notamment le chef du renseignement et patron de la garde présidentielle, le général Ali Seriati, officier à poigne, arrêté alors qu’il tentait de fuir, et deux autres personnalités honnies des Tunisiens: Abdelwaheb Abdallah, en principe chargé des affaires politiques et largement responsable de la chape de plomb qui pesait sur les médias tunisiens, et Abdelaziz Ben Dhia, directeur de cabinet et porte-parole de la présidence. L’un et l’autre s’étaient rapprochés de l’épouse du chef de l’Etat, Leïla Trabelsi. Celle-ci, profitant du mauvais état de santé du président, avait pris un ascendant croissant sur lui, au point d’imposer ses choix à la tête des ministères…
Il était devenu impossible d’investir dans le pays sans traiter, moyennant espèces sonnantes et trébuchantes, avec tel ou tel membre de l’encombrante belle-famille du chef de l’Etat
Son clan familial – dix frères – avait mis la main sur des pans entiers de l’économie tunisienne, dans tous les secteurs. Il était devenu impossible d’investir dans le pays sans traiter, moyennant espèces sonnantes et trébuchantes, avec tel ou tel membre de l’encombrante belle-famille du chef de l’Etat. Ou avec Mohamed Sakher el-Materi, l’époux de Nesrine, fille de Leïla et du président.
Quand tout a basculé, entre les 13 et 15 janvier, Leïla Trabelsi était déjà hors du pays, à Dubaï. Moncef Trabelsi, son frère aîné, a réussi à gagner Rome. Sakher el-Materi, le gendre, qui se voyait déjà dans le rôle de l’héritier, a réussi à rallier le Canada, où l’attendait son épouse, arrivée quelques jours plus tôt. Imed Trabelsi, enfin, un neveu de la première dame, a succombé, dans la nuit du 14 au 15 janvier, à une blessure à l’arme blanche.
Quelques membres du clan ont été arrêtés. Parmi eux, plusieurs avaient tenté, le 14, en début d’après-midi, de prendre un avion pour Lyon – dont Belhassem Trabelsi, semble-t-il, spécialisé dans la prédation de terrains. Mais le pilote a refusé de décoller, ce qui lui vaut désormais une image de héros. Son histoire est largement commentée sur Internet.