Tunisie, Grogne sociale et émeutes

Tunisie, Grogne sociale et émeutes

Deux grèves ont dégénéré, hier, en violences dans deux villes de Tunisie. C’est la grogne sociale qui s’amplifie dans un contexte de grave crise politique.

Des dizaines de protestataires, des jeunes pour la plupart, ont ouvert les hostilités à Siliana (150 km au sud-ouest de Tunis) en jetant des pierres sur la police qui a tenté de les disperser en les pourchassant par des tirs de lacrymogènes. Des blessés légers ont été enregistrés parmi la police.

Un photographe de l’AFP a été également touché à la tête. Des barrages de pneus en feu et de ferraille ont été dressés par les manifestants sur l’axe principal de Siliana et les rues étaient jonchées de projectiles. Il s’agissait de marquer le 1er anniversaire de la répression d’un mouvement social qui avait fait en trois jours quelque 300 blessés.

Le syndicat UGTT, organisateur de la grève, reproche au pouvoir de ne pas avoir pris en charge les blessés ni investi dans le développement économique régional comme il l’avait promis à l’époque. «Le gouvernement n’a pas tenu ses engagements contenus dans la convention de décembre 2012 qui prévoit qu’il s’occupera des soins des blessés et de leurs besoins matériels et physiques», a expliqué, avant les heurts, le secrétaire général adjoint de l’union régionale de l’UGTT, Ahmed Chefaï. Dans la soirée, des affrontements sporadiques avaient encore lieu. Les violences ont aussi gagné la cité de Gafsa (centre). La police y a d’abord repoussé des manifestants qui tentaient d’envahir le siège du gouverneur, puis des centaines de protestataires ont attaqué le siège du parti Ennahda. Les locaux de cette formation ont été saccagés partiellement puis incendiés. A Gafsa, des heurts ont lieu régulièrement et le local d’Ennahda a déjà fait l’objet d’une attaque par le passé. Cette localité est stratégique en raison de ses mines de phosphates mais reste parmi les plus pauvres du pays. Depuis la révolution, la production minière y est à 30 % de ses capacités en raison des nombreux mouvements sociaux et malgré l’embauche de milliers de personnes pour tenter de juguler la grogne. Les grèves et débrayages se sont multipliés ces dernières semaines alors que l’économie peine à redémarrer. Au total, trois régions tunisiennes – Siliana, Gafsa et Gabès (ouest) – étaient paralysées hier, par des grèves contre diverses mesures des autorités. Le gouvernement n’avait pas réagi hier.

La presse tunisienne qui est revenue ce matin sur les mouvements de grèves qui paralysent le secteur économique tunisien sous le titre «Qui arrêtera le ballet des grèves ?», a relevé que le nombre de grèves a connu, rien qu’au mois d’octobre dernier, une hausse vertigineuse de 71 %. «Pas moins de 83 préavis de grève ont été enregistrés au mois d’octobre dernier», a-t-elle précisé, citant le ministère des Affaires sociales. Certes, ajoutera-t-elle, « ce taux est à la baisse (-17 %) par comparaison avec le mois d’octobre 2012, mais le cauchemar persiste et le fléau perdure, comme par enchantement, causant des dégâts inestimables à une économie nationale déjà en détresse.»

R. I. / Agences

32 blessés dans les violences

Trente-deux personnes dont 30 policiers ont été légèrement blessées dans les violences mercredi à Siliana, une ville située à 150 km au sud-ouest de Tunis où une grève a dégénéré en heurts. Selon une source hospitalière sur place, citée par l’AFP, les policiers atteints souffrent pour l’essentiel de blessures superficielles à la tête et au visage. Deux adolescents ont pour leur part été touchés aux jambes. Tous les blessés sont sortis de l’hôpital le même jour, a-t-elle ajouté. Dans les rues, les vestiges de affrontements entre jeunes et policiers étaient visibles ce jeudi matin, à Siliana: arbres calcinés, panneaux d’indications arrachés, restes de barricades et projectiles jonchaient le sol. Des dizaines de jeunes ont attaqué les forces de l’ordre hier dans l’alors que la région observait une grève générale pour marquer le 1er anniversaire de la violente répression d’un mouvement social qui avait fait plus de 300 blessés. Les heurts ont continué jusque tard dans la nuit, mais le calme est revenu, le grand marché hebdomadaire y fonctionnant normalement.