Les choses vont très vite en Tunisie. Ce matin, le mouvement djihadiste a annulé la tenue de son congrès à Kairouan, mais a appelé ses partisans à se retrouver dans la banlieue de Tunis, et c’est là où les premiers affrontements ont eu lieu au moment où nous mettons sous presse.
Au moment où nous mettons sous presse, des affrontements ont lieu dans la banlieue de la capitale tunisienne. Alors que dans un premier temps le groupe Salafiste avait appelé ses partisans à renoncer à venir à Kairouan, il a dans un communiqué maintenu un rassemblement aujourd’hui dans une banlieue de Tunis. «Nous appelons tous nos frères à être présents en grand nombre à la cité Ettadhamen, dans la capitale», a annoncé Ansar Ashariaa sur sa page officielle Facebook. Des centaines de salafistes, ont érigé des barricades à l’aide de pneus en feu dans les rues de ce quartier, jetaient des pierres sur les policiers qui répondaient par des tirs de gaz lacrymogènes.
«A l’attention de nos frères qui viennent à Kairouan depuis les autres régions (…) la direction d’Ansar Ashariaa vous informe de la nécessité d’annuler tous ces voyages vu la gravité de la situation sécuritaire», a indiqué le mouvement sur sa page officielle Facebook, sans pour autant annoncer l’annulation du congrès.
Ansar Ashariaa a indiqué que cet ordre concerne «en particulier ceux venant en bus de la cité Ettadhamen et al-Intilaka» deux quartiers près de Tunis où ce mouvement est très implanté. L’organisation salafiste n’a cependant donné aucune directive pour le moment à ses militants qui ont réussi à rejoindre Kairouan malgré l’imposant dispositif policier. Un appel qui fait suite à l’impressionnant dispositif de sécurité déployé aux alentours des principales entrées de cette ville qui étaient bouclées, ce matin, par la police et l’armée tunisiennes. Ce qui laissait craindre un face-à-face violent. Des barrages ont été installés sur toutes les routes entrant dans la ville à 150 km au sud de Tunis. Les policiers semblaient fouiller en particulier les véhicules dont les passagers sont des hommes portant la barbe, attribut des salafistes. Les forces de sécurité étaient aussi déployées ailleurs dans le pays, comme à Tunis où les patrouilles se sont multipliées depuis vendredi soir, notamment dans les quartiers considérés comme des bastions d’Ansar Ashariaa. Plusieurs médias, notamment tunisiens, ont fait état d’interpellations de militants salafistes à Kairouan et dans d’autres villes. Partout en ville, des véhicules des forces de l’ordre patrouillent, sirènes hurlantes, avec à bord des agents encagoulés. Tôt ce matin, les forces de sécurité ont interpellé le porte-parole de cette organisation, selon des sources concordantes. L’interpellation du porte-parole, Seifeddine Raïs, a été annoncée par l’organisation salafiste jihadiste sur sa page Facebook, puis confirmée par une source sécuritaire interrogée par l’AFP. «Il a été interpellé à l’aube alors qu’il faisait un footing devant les policiers», a indiqué la source policière, qui a qualifié le comportement de M. Raïs de «provocation».
La Tunisie a vu depuis la révolution de 2011 se multiplier les violences orchestrées par la mouvance salafiste. Le pays est aussi déstabilisé par une profonde crise politique et le développement des conflits sociaux face à la misère. Le parti islamiste au pouvoir Ennahda a longtemps été accusé de laxisme pour avoir toléré les groupuscules salafistes djihadistes. Il a cependant considérablement durci sa position face à ce que le ministre de l’Intérieur, Lotfi Ben Jeddou, avait qualifié vendredi de «surenchère».
R. I. / Agences
Qui sont Ansar Ashariaa ?
Le mouvement Ansar Ashariaa (Partisans de la loi islamique), la principale organisation salafiste jihadiste de Tunisie, a été créé après la révolution de 2011 par Abou Iyadh, un vétéran d’Al-Qaîda en Afghanistan, que les autorités accusent de plusieurs attaques dans le pays. Ce mouvement n’a pas d’existence légale en Tunisie faute d’en avoir fait la demande car il ne reconnaît pas l’autorité de l’Etat, la seule source de légitimité selon ses militants étant Dieu. Il est néanmoins très présent sur le terrain, notamment dans les quartiers populaires où ses partisans mènent des campagnes de prédication et d’aide caritative. Ansar Ashariaa, comme tous les jihadistes, considèrent que le recours aux armes peut être un moyen légitime d’arriver à leurs fins. Ansar Ashariaa, qui revendique quelque 40 000 membres, n’a jusqu’à présent pas appelé à une rébellion armée en Tunisie, mais ses relations avec les islamistes d’Ennahda qui dirigent le gouvernement tunisien se sont dégradées au fil des mois.