Selon cet officier, appelé à témoigner hier, la Tunisie a échappé à un bain de sang le 14 janvier dernier, la police ayant reçu l’ordre à 14h 25 de se préparer à tirer sur la foule massée sur l’avenue Habib-Bourguiba.
Il a aussi déclaré que l’ancien directeur de la sécurité présidentielle avait sommé de libérer les membres de la famille Ben Ali arrêtés ce jour-là.
Le colonel Samir Tarhouni, colonel de la Brigade anti-terroriste (BAT), a publiquement témoigné, hier, lundi, sur les événements du 14 janvier, dernier, jour de la chute du régime Zine El-Abidine Ben Ali, lorsque celui-ci et des membres de sa famille avaient tenté de fuir le pays, emportant bijoux et argent.
Le colonel était appelé à «donner une version officielle des faits et mettre fin aux rumeurs sur ce qui s’était passé à l’aéroport». «Un responsable à l’aéroport m’a averti que des membres de la famille de Leïla Trabelsi (l’épouse de Ben Ali) allaient quitter le pays dans un avion privé, j’ai pris l’initiative de me rendre sur les lieux avec onze de mes collègues pour les arrêter, sans avoir reçu d’ordres de mes supérieurs», a-t-il raconté.
«Ali Seriati m’a appelé à deux reprises pour les faire libérer. Je lui ai raccroché au nez», a raconté Samir Tarhouni.
Dans son récit, le colonel a ajouté que 170 agents des unités sécuritaires spécialisées, y compris celles qui assuraient la garde du palais présidentiel, s’étaient joints à son initiative et avaient fait équipe. Les 28 membres du clan Ben Ali/Trabelsi avaient été arrêtés dans le bus qui les conduisait vers un avion sur le tarmac de l’aéroport, a-t-il dit, évoquant une entière collaboration du personnel aéroportuaire.
«Nous les avons confiés à l’armée tunisienne, parce qu’elle était la seule institution légitime dans ces moments», a poursuivi Tarhouni, qui a été arrêté durant deux jours avant d’être libéré et félicité pour son action.
Il a avoué avoir laissé partir Nesrine, la fille du Président déchu et de sa première épouse, qui a embarqué ce jour-là dans un petit avion. «Elle ne représentait rien pour nous», a-t-il dit. Selon ce colonel, la Tunisie a échappé à un bain de sang le 14 janvier dernier. «La BAT a reçu l’ordre à 14h 25 de se préparer pour tirer sur la foule massée sur l’avenue Habib-Bourguiba, j’ai décidé de ne pas user de balles réelles, mais plutôt de gaz lacrymogènes», a-t-il affirmé.
L’officier a aussi révélé avoir été appelé par le Premier ministre en place Mohamed Ghannouchi lui demandant s’il avait «pris le pouvoir» en Tunisie. «J’ai agi de mon propre chef et avec mes collègues, par devoir national», a affirmé le colonel, dont le récit vise à éclairer des zones d’ombre sur le rôle de l’armée et de la police dans le coup de filet de l’aéroport. Ali Seriati, arrêté le 14 janvier après la fuite de Ben Ali, est jugé en même temps que les proches du couple Ben Ali/Trabelsi appréhendés à l’aéroport, dans un procès ouvert le 26 juillet dernier et dont les audiences reprendront demain mercredi. Il est poursuivi pour complicité de tentative de sortie illégale de devises. Sept mois après la chute du régime Ben Ali, une crise de confiance s’est toutefois installée entre la société tunisienne et la justice après la libération d’anciens ministres et l’impunité accordée à d’autres ex-dignitaires, dénoncées jusque dans les rangs des magistrats. Hier, lundi, des centaines de personnes ont manifesté dans le centre de Tunis pour réclamer une justice indépendante et une rupture avec l’ancien régime. Les manifestants ont dénoncé notamment le retour sur scène de membres du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), le parti de Ben Ali dissous. «Il n’est pas normal qu’en Egypte un Président dictateur puisse être jugé et qu’en Tunisie, d’anciens ministres de Ben Ali soient libérés», a indiqué une manifestante.
R. I. / Agence