La Tunisie vit quotidiennement une effervescence populaire d’envergure et de profonds troubles sociaux, les raisons des nombreux sit-in et marches s’étant amplifiées du fait de tiraillements entre alliés et opposants au gouvernement d’union nationale de transition et ceux appelant à la création d’une assemblée constituante. Le problème en Tunisie ne réside cependant pas dans le volet politique seulement.
Les revendications sociales sous-tendent les appels politiques. Les troubles se sont multipliés dans les entreprises, les sociétés de production et de services et les prémices de tension ont apparu dans le secteur agricole. Les pressions auxquelles ont été soumis les travailleurs durant l’ère précédente ont soudainement emergé à la surface au lendemain du départ du régime despotique. Au moment où les opposants au gouvernement demandent à M. Mohamed Ghannouchi de dissoudre cet exécutif qui comprend des symboles de l’ancien régime et de garantir une rupture totale avec le pouvoir déchu, d’autres manifestations sont venues exprimer le soutien au gouvernement de transition.
Les pro-gouvernement appellent à lui ouvrir la voie pour assurer la période de transition, gérer les affaires du pays et organiser les prochaines échéances y compris les scrutins présidentiel et législatif afin de palier un éventuel vide qui pourrait être exploité par d’autres parties avec l’intention de créer l’anarchie et mener le pays vers une voie dangereuse. Un autre courant ne cesse toutefois, de contrer, à chaque occasion, ces tendances demandant avec insistance la création d’une assemblée constituante composée de personnalités indépendantes et de technocrates pour gérer la période de transition avant les élections et partant, débarrasser le pays des résidus du précédent régime.
Afin d’atténuer la colère populaire générale et satisfaire les revendications politiques de toutes les parties dans le but de rétablir la sécurité et la quiétude, le gouvernement de coalition est arrivé à une solution consensuelle, celle d’opérer un remaniement ministériel à l’effet de remplacer les personnalités qui se sont retirées et celles qui ont démissionné de l’exécutif. Il s’agit également du remplacement des ministres appartenant à l’ancien régime.Devant cette situation difficile, l’Union générale tunisienne du travail et l’instance nationale des avocats ont proposé au président de la république par interim M. Fouad Mebazaa, la dissolution du gouvernement de transition et sa reconstitution sur la base du consensus du mouvement populaire, en concertation avec les partis politiques et toutes les composantes de la société civile et les personnalités nationales tunisiennes.
Toutes ces parties ont exprimé leur soutien à l’initiative de former une assemblée constituante de concorde et de salut qui regroupera tous les partis politiques et les organisations agissantes dans le souci de protéger la révolution populaire et préserver ses acquis.
Abondant dans le même sens, le parti « social libéral » a soutenu l’idée de la création d’une assemblée constituante pour l’édification d’une deuxième République et la promulgation d’une nouvelle constitution qui garantisse l’intégrité du pays et preserve les droits des citoyens.
Le Parti des Verts pour le progrès (PVP) a, pour sa part, affirmé ne pas reconnaître le Gouvernement d’Union nationale, appelant à organiser une élection présidentielle dans un délai n’excédant pas 60 jours, conformément aux dispositions de l’article 57 de la Constitution.
Le PVP a souligné son attachement à la nécessité de changer le système gouvernemental actuel d’un régime présidentiel à un régime parlementaire réaffirmant son soutien à toutes les initiatives visant la mobilisation du peuple en vue de préserver les acquis de la révolution.
Cependant, des actes de violence et de vandalisme sont quotidiennement commis par des inconnus dans des propriétés publiques et privées au niveau de plusieurs villes tunisiennes. Certaines firmes appartenant à des agriculteurs ont été pillées au même titre que des hôpitaux et des dispensaires publics et privés.
Les plaintes de centaines de professionnels exerçant dans des secteurs productifs s’accumulent en raison de bas salaires ou d’abus de pouvoir des responsables au moment où d’autres secteurs peinent à régler le problème du commerce parallèle et de la distribution anarchique de certains produits de base, ce qui réduit sensiblement la période de leur activité annuelle.
De nombreuses compagnies tunisiennes plaident pour la démission des responsables proches de l’ancien régime appelant à les remplacer par d’autres n’ayant aucun lien avec l’ancien régime.
De leur coté, les syndicats revendiquent une augmentation des salaires face à la détérioration du pouvoir d’achat et la cherté de la vie, la contractualisation des travailleurs et l’amélioration des conditions de travail.
Pour les observateurs, les mutations qu’a connues la Tunisie en un laps de temps assez court dont le passage à l’ère de la démocratie et la liberté d’expression sont à l’origine de ces revendications longtemps tues.