L’idylle du « printemps arabe », consacrant l’alternative islamiste à la faveur de la « révolution de jasmin », est rompue.
Dans la ville fantôme de Siliana, engoncée dans la malvie et la précarité des conditions de vie, la contestation bat son plein. Elle fait planer sur la nouvelle Tunisie le syndrome récurrent de Sidi Bouzid. Pour la 4e Journée consécutive, des affrontements entre la police et des manifestants ont davantage exacerbé la crise qui s’étend aux autres villes solidaires, comme c’est le cas de Sbeïtla, près de Kasserine, au Centre-ouest, et la région du Kef. Dans la capitale tunisienne, une manifestation de soutien a été organisée devant le ministère de l’Intérieur pour dénoncer « la répression policière brutale » qui a fait 300 blessés (dont 72 policiers). Le fossé s’élargit entre les forces de sécurité et la population, excédée par la persistance du statu quo et revendiquant une prise en charge de leurs doléances.
Soit, pour le cas de Siliana, le départ du gouverneur, l’islamiste, Ahmed Zine Mahjoubi, accusé de faire « la sourde oreille », la libération des 14 détenus sans jugement depuis 20 mois, la fin des exactions policières et une aide conséquente au développement de la région économiquement sinistrée.
La défiance a mis à mal la cohérence institutionnelle parfaitement illustrée par la fin de non-recevoir opposée par le ministère de l’Intérieur à la demande d’intervention de l’armée légitimée par l’impératif sécuritaire et avalisée par l’accord conclu avec la puissante confédération des travailleurs. Bien au-delà de la volonté de dialogue exprimée par le gouvernement de Hamadi Jebali,le président de la République, Moncef Marzouki, reconnaît que « le problème majeur est que les attentes sont très grandes face à un rendement insuffisant de gouvernement en dépit des efforts fournis ».
A Siliana, l’effort d’investissement et de création d’emplois a reculé, respectivement, de 40% et 60%. Deux ans après le déclenchement de la « Révolution de jasmin », la désillusion plonge le pays dans un état d’instabilité politique, économique et social aux graves conséquences.
Dans une intervention télévisée, le président Marzouki a tiré la sonnette d’alarme. « Nous n’avons pas une seule Siliana, a-t-il déclaré. J’ai peur que cela se reproduise dans plusieurs régions et que cela menace l’avenir de la révolution ». Il plaide pour un gouvernement restreint de « compétence » à même de répondre aux attentes des Tunisiens. Cet appel se rapproche de la proposition du leader de Nida Tounés, Beji Caïd Essebsi, favorable à l’arrivée de « technocrates » dans les ministères régaliens, dans la perspective de la tenue des élections renvoyées aux calendes grecques et jugées désormais, « vitale » par Marzouki.
La coalition est ainsi à l’épreuve de la gestion de la crise politique et sociale qui frappe de plein fouet la nouvelle Tunisie. Au Quai d’Orsay, appelant au retrait de la police, le sentiment d’inquiétude a prévalu, alors que le Haut Commissariat aux droits de l’Homme a condamné le « recours excessif et disproportionné à la force ».
Larbi Chaabouni