Tunisie: divergences autour du gouvernement d’union nationale et crainte de situtations d’incertitude

Tunisie: divergences autour du gouvernement d’union nationale et crainte de situtations d’incertitude
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La vie politique en Tunisie continue d’être marquée par des divergences sur la composition du gouvernement d’Union nationale appelé à faire aboutir, au plus vite, la transition constitutionnelle, et ce sur fond de manifestations populaires pacifiques réclamant la levée de tous les symboles du régime déchu.

L’intégration de figures de l’opposition dans l’équipe gouvernementale transitoire, en charge de mettre en place les instruments et mécanismes de cette transition vers l’édification d’une architecture constitutionnelle pluraliste et démocratique, dans un délai de moins de six mois, n’a pas suffi à recueillir l’unanimité des acteurs politiques et d’une partie de la population, toujours frondeuse, craignant une confiscation du fruit du soulèvement populaire ayant mis fin au régime  »dictatorial » et  »corrompu » du président déchu Zine El-Abidine Ben Ali.



Ni les récentes mesures pour la séparation du pouvoir des partis, les démissions de membres de ce gouvernement de transition de leurs responsabilités au sein de l’ex-parti au pouvoir (RCD), la récupération des biens de l’Etat détenus par cette formation politique, ni celles portant légalisation de partis d’opposition (trois), l’approbation d’un projet de loi portant amnistie générale, et ni l’annonce de commissions d’enquêtes sur les dépassements lors des récents évènements ayant fait des dizaines de morts, sur la corruption administrative, et pour préparer la réforme politique, n’ont rapproché les positions d’entités et de partis, invités il y a cinq jours pour faire partie de l’équipe gouvernementale transitoire.

Craignant des situations d’incertitude pouvant naître d’une chute de ce gouvernement, si l’hémorragie se poursuivait (quatre ministres ont déjà démissionné), et, donc, du vide constitutionnel qui en découlerait, le parti démocratique progressiste (PDP) a décidé de rester dans le gouvernement de transition, conduit par le Premier Ministre Mohamed Ghannouchi.

 »Le principe pour le PDP est de travailler avec une équipe gouvernementale homogène et aux objectifs politiques clairement définis, pour retourner à une situation constitutionnelle tout en conduisant le pays vers une démocratie institutionnelle », a déclaré à l’APS la secrétaire générale de ce parti d’opposition légale.

 »L’urgence aujourd’hui est de conforter la sécurisation du pays, puis de relancer la machine économique, mise à mal notamment par un frein de l’activité touristique et un recul des exportations », a expliqué Mme Meya Djeribi, en se disant favorable à l’accélération de la reconnaissance de l’ensemble des partis d’opposition, y compris du courant islamiste, allusion faite au parti Ennahda.

Une approche similaire est adoptée par le Mouvement Ettajdid (opposition légale/ ex: communiste) qui reste dans le cabinet, estimant que les conditions de sa participation au gouvernement de transition  »ont commencé à être appliquées », et en raison « de l’importance de l’étape actuelle et des dangers que présenterait un vide au niveau du pouvoir exécutif ».

Par contre, l’Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT), partie ayant soutenu, dès son déclenchement, le soulèvement populaire dit  »Révolution du Jasmin », ne voit pas du même £il le mode de conduite de la période de transition et persiste dans son refus de regagner l’équipe de Mohamed hannouchi, ou, selon elle,  »siègent des symboles de l’ancien régime » et  »qui doit être dissoute pour laisser place à un gouvernement de coalition nationale, conformément à la volonté populaire ».

 »La conception de l’UGTT de ce gouvernement de coalition repose sur deux conditions fondamentales: une représentation de l’ensemble des courants politiques et le rejet de toute personnalité ayant assumé une responsabilité ministérielle sous l’ère du régime du président déchu Zine El-Abidine Ben Ali », a expliqué le porte parole de la centrale syndicale tunisienne, M.Abid Briki.

Ceci, a-t-il dit, en participant toutefois, aux trois commissions chargées de préparer la réforme politique et d’enquêter sur les douloureux évènements de Tunisie et sur la corruption administrative.

Une figure de l’opposition, M. Mustapha Ben Jaâfar, secrétaire général du Forum démocratique pour le travail et les libertés (FDTL), a, lui aussi, fait état de la suspension de la participation de sa formation au gouvernement d’union nationale et demandé la révision de sa composition,  »estimant insuffisantes les mesures et initiatives décidées, pour donner un message clair au peuple tunisien ».

Parallèlement à l’amorce,  »encore fragile », de l’avis d’observateurs, de l’ère de transition – néanmoins, dans un climat général de plus en plus détendu, avec une normalisation graduelle de la situation sécuritaire et sociale, dans une Tunisie qui fait actuellement le deuil de ses victimes-, la vox populi tente de maintenir sa pression sur les décideurs du moment, avec pour principal leitmotiv l’effacement de tous les signes de l’ancien régime, sous quelques manifestations qu’ils puissent apparaître.

Des marches pacifiques sont ainsi organisées quotidiennement, depuis maintenant cinq jours, pour exiger la levée de tous ce qui ferait référence ou rappellerait le régime  »dictatorial’ du Président déchu et de son cercle familial, tenus pour être responsables des maux et souffrances du peuple tunisien et de la dilapidation de ses biens.

Des manifestations qui n’ont même pas épargné l’UGTT, qui a pourtant soutenu ce mouvement de protestation populaire, voyant, dans son état-major, des membres issus de l’ancien régime et voulant surfer sur la vague de la révolte en Tunisie.

L’exécutif de transition a été constitué trois jours après le départ, le 14 janvier dernier, du président Ben Ali en Arabie saoudite, après près d’un mois d’une révolte populaire qui a fait, selon le ministère de l’Intérieur, 78 morts et 94 blessées, outre des dégâts matériels avoisinant les 1,5 milliard d’euros.