La tunisie concède des mesures sociales après la contestation : Le jasmin a-t-il perdu sa senteur?

La tunisie concède des mesures sociales après la contestation : Le jasmin a-t-il perdu sa senteur?

Ce plan social intervient à point nommé pour désamorcer la crise qui a vu, durant toute la semaine écoulée, les villes tunisiennes en proie à la violence et à la contestation.

Le gouvernement tunisien a décidé hier une série de mesures, dont l’augmentation des allocations sociales, pour répondre aux revendications des manifestants qui ont protesté dans la plupart des villes du pays contre la cherté de la vie. Après avoir dénoncé les «fauteurs de troubles» qui seraient manipulés par certaines forces politiques hostiles au gouvernement Youssef Chahed, et réagi avec une grande fermeté aux heurts et affrontements qui ont entraîné plus de 800 arrestations, le président Béji Caïd Essebsi a donc réuni avant-hier les signataires de l’accord de Carthage pour convenir d’une stratégie adéquate, réunion élargie aux partenaires syndical et patronal. Et c’est donc à la veille de la célébration du septième anniversaire de la révolution, que la décision est tombée de mettre en oeuvre une série de mesures à caractère social, telles que l’allocation sociale en faveur des familles nécessiteuses qui passe de 150 dinars (50 euros) à 180 et 210 dinars (60 et 70 euros) en fonction du nombre d’enfants, soit une augmentation d’au moins 20%. Comme est également prévu un soutien de l’Etat au profit de 500 000 familles dont les revenus sont instables en vue de leur permettre de solliciter un crédit bancaire à même de leur «assurer un logement décent». Côté médical, l’Etat veut «garantir une couverture médicale pour tous les Tunisiens sans exception», même si pour le moment on ne sait pas exactement comment il compte procéder. Toutes ces décisions qui contrastent avec le refus de Youssef Chahed de faire la moindre concession sur la mise en application de la loi de finances 2018, objet de la discorde et des manifestations violentes, vont profiter, selon le ministre des Affaires sociales, à tous ceux qui nourrissaient la crainte de vivre une situation encore plus préoccupante du fait des exigences du FMI auxquelles Tunis a dû souscrire. Et pour bien montrer sa bonne volonté, l’Etat informe que lesdites mesures sont appliquées dès cette année. Ce plan social intervient à point nommé pour désamorcer la crise qui a vu, durant toute la semaine écoulée, les villes tunisiennes en proie à la violence et à la contestation. La grogne sociale aura résonné comme un avertissement sérieux au point que le président Béji Caïd Essebsi a convoqué à la hâte la réunion des partenaires au sein du gouvernement. La Tunisie connaît une petite embellie, mais reste grevée par un taux de chômage de l’ordre de 15% et une inflation qui flirte avec les 7%. C’est dans le cadre de la concertation avec la puissante Centrale syndicale Ugtt et l’organisation du patronat Utica que les mesures les plus à même de rétablir la sérénité dans le pays ont été convenues. Et le chef de l’Etat, tout en considérant que «la situation reste bonne» dans l’ensemble, a reconnu que «le climat social et le climat politique ne sont pas bons en Tunisie». On ne saurait dire plus doctement les choses. Affectée depuis 2011 par des difficultés financières aggravées notamment par les conséquences des attentats terroristes qui ont frappé le pays, en 2015, la Tunisie a sollicité un prêt du Fonds monétaire international (FMI) de 2,4 milliards d’euros assorti d’engagements pour réduire son déficit public et opérer plusieurs réformes économiques. Comme pour conjurer les mauvais démons, le président Essebsi a aussi prévu une sortie, dans les tout prochains jours, dans un quartier défavorisé de la capitale, où il compte rétablir le dialogue avec les jeunes qui s’estiment des laissés-pour-compte. Le fait que les affrontements et les dégradations de biens publics et privés qui ont émaillé la scène tunisienne pendant six jours interviennent en ce début de janvier, un mois toujours problématique pour les dirigeants tunisiens, cela revêt d’autant plus de sens que la Tunisie célèbre aujourd’hui même l’anniversaire du déclenchement de la Révolution du jasmin, prélude, dit-on, au printemps arabe dont les conséquences auront été dramatiques pour d’autres peuples. Et ce n’est pas la polémique sur la couverture des évènements dont certains médias occidentaux ont l’habitude bien ancrée qui pourrait être l’arbre pour cacher la forêt. Essebsi lui-même le dit «le climat social et politique n’est pas bon». Pourquoi, dès lors, s’obstiner à voir dans les manifestations le fait de casseurs et de pillards, même si, pour beaucoup, ce fut peut-être le cas, surtout quand, en même temps, on affirme «être capable de résoudre les problèmes»?

Toujours est-il que plusieurs manifestations étaient prévues hier pour marquer le septième anniversaire de la chute de Zine el Abidine Ben Ali, chassé par un mouvement de protestation contre le chômage, la vie chère et la corruption, né de l’immolation par le feu du jeune vendeur ambulant Mohamed Bouazizi, à Sidi Bouzid. C’est un fait indéniable que les Tunisiens ont aujourd’hui en majorité le sentiment d’avoir beaucoup gagné en liberté, mais avec comme contre-coup une paupérisation accélérée de la population. Et les augmentations inscrites au registre de la LF 2018 sur la TVA, la téléphonie, l’immobilier et certains droits d’importation n’étaient vraiment pas faites pour les rassurer.