Le tourisme tunisien vit les pires moments de son existence. Du 1er janvier au 31 mai 2011, le nombre de touristes a baissé de 54%, passant d’environ un 1 400 000 à 670 000. Côté recettes en devises, elles sont passées de 535 millions à 265 millions d’euros. Ainsi, le secteur du tourisme a subi des pertes de l’ordre de 100 millions de dinars (50 millions d’euros) par mois depuis janvier 2011.
Dans le but de sauver ce qui reste de cette saison estivale, les Tunisiens comptent désormais sur les touristes algériens pour au moins atténuer cette difficile situation que traverse la Tunisie depuis la révolution du 14 janvier 2011. Aussi, les professionnels tunisiens mettent les bouchées doubles en vue de bien préparer la haute saison. Les premiers signes de reprise tardent à se manifester. En ces temps estivaux, il faut offrir aux vacanciers des destinations et des produits qui les rassurent. D’où le forcing cet été sur le marché algérien, seul capable de sauver le tourisme tunisien en l’absence des Européens et des Libyens. C’est dans ce cadre que s’inscrit l’éductour organisé du 30 mai au 3 juin par l’Office national tunisien du tourisme (ONTT) à l’intention d’une trentaine d’agents de voyages algériens et quelques journalistes. L’objectif étant de rassurer les voyagistes algériens sur la situation sécuritaire qui prévaut actuellement en Tunisie, de consolider le partenariat touristique entre les deux pays, promouvoir davantage les produits tunisiens sur l’Algérie et de leur offrir des prix préférentiels. Parmi les initiatives de relance mises en place pour booster le tourisme tunisien, l’ONTT place les professionnels algériens au cœur de son dispositif. Il leur permet notamment d’aller se rendre compte, sur place, de la situation et de pouvoir ainsi rassurer, s’il le fallait, les clients en leur racontant leur expérience personnelle. Cet éductour a permis à nos agents de voyages de visiter les régions de Tabarka, Hammamet et Nabeul. Ce voyage leur a permis également d’apprécier, en petit comité, la destination, la qualité des prestations touristiques en aucun cas altérées et l’accueil chaleureux des Tunisiens en général. Les bénéficiaires de cette escapade n’ont d’ailleurs pas manqué de constater et d’apprécier la qualité des services proposés aux Algériens durant cet été. La seule inquiétude de nos agences de voyages est comment faire pour convaincre, redonner confiance aux milliers d’Algériens, habitués à cette destination, et de les rassurer que la situation sécuritaire en Tunisie s’est nettement améliorée et que le pays a retrouvé toute sa stabilité, contrairement aux rumeurs qui circulent actuellement en Algérie et qui ont largement contribué à créer un climat de suspicion et de méfiance à l’égard de la Tunisie. Certes, le record d’un million trois cent mille touristes algériens enregistrés en Tunisie en 2010 sera impossible à égaler en 2011, mais les responsables du tourisme tunisien espèrent du moins attirer 300 000 à 500 000 Algériens pour sauver les meubles. En ce début d’été, les Algériens se font de plus en plus rares dans les villes tunisiennes. A Nabeul, Hammamet et Tabarka, cités balnéaires très courues par les touristes algériens, les loueurs de maisons à la semaine, comme les restaurateurs, les hôteliers et les commerçants constatent une forte baisse de fréquentation des touristes algériens contrairement à l’année précédente.
Les hôteliers en force
Durant leur séjour en Tunisie, les voyagistes algériens ont eu à participer à deux importants workshops, organisés par l’ONTT et qui a vu la présence d’une centaine d’hôteliers tunisiens. Le niveau de ce workshop était plus élevé par rapport aux précédentes éditions. Les professionnels du tourisme tunisien ont massivement répondu à l’appel pour échanger avec leurs homologues algériens. Une occasion qui a permis aux uns et aux autres de tisser de très bons rapports. C’était une véritable opportunité d’affaire surtout pour les Algériens qui ont pu négocier des prix attractifs et très alléchants.
Ramadan pour sauver la saison
Les hôteliers tunisiens se sont même organisés pour accueillir la clientèle algérienne durant le mois de Ramadan : menus ramadanesques, salles à manger réservées aux jeûneurs, boissons chaudes et froides à volonté pendant la soirée, services dans les chambres pour les personnes âgées à l’heure du shour, animations culturelles et religieuses, navettes spéciales pour permettre aux clients pratiquants de faire la prière des taraouih dans les mosquées les plus proches… En mettant ainsi les petits plats dans les grands et en déroulant les tapis… de prière, les professionnels du secteur espèrent ainsi rattraper le manque à gagner et sauver un tant soit peu une saison 2011, qui s’annonce catastrophique pour le tourisme tunisien. Les Tunisiens n’ont pas lésiné sur les moyens pour relancer la destination, casser la peur et vaincre les craintes des touristes algériens qui, espérons, seront nombreux cet été en Tunisie.
I. S.
HABIB BOUSLAM, PDG DE L’HÔTEL NAHRAWESS (HAMMAMET) ET PRÉSIDENT DE LA FÉDÉRATION DES HÔTELIERS DE LA RÉGION DU CAP BON :
«Venez nous soutenir»
L’activité hôtelière a été revue à la baisse. Les hôtels tunisiens sont vides. Cette situation est en train de menacer les emplois de 400 000 personnes qui travaillent dans le secteur du tourisme. Pour M. Habib Bouslama, la venue des touristes algériens sera la bouée de sauvetage pour le tourisme tunisien.
«La situation sécuritaire en Tunisie s’est nettement améliorée. Les choses sont rentrées dans l’ordre. Certes, il y a des petites exceptions par-ci par-là mais elles entrent dans le cadre pratique de la démocratie. Ce sont des revendications syndicales et sociales et qui n’ont rien à voir avec la violence. Cet été en Tunisie, nos frères algériens seront très bichonnés. En l’absence des Européens qui nous ont boudés, notre attention sera portée particulièrement. Des instructions gouvernementales ont été données pour assurer un excellent accueil aux Algériens, leur faciliter les formalités d’entrée et leur acheminement vers les lieux de leur séjour. Le message que nous lançons à la direction de nos frères algériens est de montrer au monde entier qu’ils nous soutiennent et qu’ils nous appuient dans cette période spéciale et particulière. La situation en Libye ne nous a pas facilité la tâche avec le flux de milliers de réfugiés vers la Tunisie, donc devant cette situation très difficile, nous pensons que nos frères algériens vont nous tendre la main et qu’ils seront sans doute très nombreux. Leur présence sera d’ailleurs un très grand appui. Nous essayons d’être optimistes, sinon on touchera le fond. Nous sollicitons l’aide et la compréhension des Algériens et leur venue allégera beaucoup notre souffrance. Le tourisme tunisien est la base de notre économie. C’est une industrie qui emploie 400 000 personnes. On dit que si le tourisme va, donc tout va. Ces derniers temps, des producteurs de lait ont été obligés de détruire leur production faute de preneurs, notamment les hôteliers. Pour rappel, l’industrie hôtelière consommait en temps normal entre 20 et 30 millions de litres de lait par an. C’est pour cela que nous accordons une très grande importance à la venue de nos frères algériens, et ce, pour redonner confiance à tout ce monde-là. »
Propos recueillis par I. S.