Tunisie-Algérie : Le Qatar visé via Tunisiana et Nedjma

Tunisie-Algérie : Le Qatar visé via Tunisiana et Nedjma

L’Etat algérien veut circonscrire l’appétit grandissant des qataris dans les télécoms, à un moment où Alger semble vouloir asseoir le contrôle de l’Etat sur ce secteur stratégique. Tunisiana a fait l’objet de vives critiques dans la presse algérienne. Un ministre lui a même reproché d’émettre des signaux trop puissants.

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L’Etat algérien veut circonscrire l’appétit grandissant des qataris dans les télécoms, à un moment où Alger semble vouloir asseoir le contrôle de l’Etat sur ce secteur stratégique. M. Karim Djoudi, le ministre algérien des finances, a même laissé entendre, dans une déclaration datée du 10 septembre, que son pays fera prévaloir son droit de préemption sur Nedjma, filiale algérienne du groupe koweitien Watanya Telecom. Et il s’agit clairement d’une réponse à  Qatar Telecom (Qtel), qui ambitionne ouvertement d’acquérir la totalité du capital de Wataniya. Une manière de contrecarrer l’ostentatoire avancée qatarie dans un domaine aussi sensible que les télécoms. Et il ne s’agit pas de la première fois que l’Emirat gazier est en cause, quand il s’agit de téléphonie en Algérie.

En décembre 2011, c’est le premier opérateur privé de Tunisie qui a été visé par les critiques algériennes. Celles-ci relevaient notamment que les signaux de Tunisiana étaient assez puissants pour être reçus de l’autre côté de la frontière tuniso-algérienne. Mais ce qui peut être considéré comme une bonne nouvelle pour les abonnés tunisiens de l’opérateur, n’était pas vu d’un bon œil par les autorités algériennes. Pis : elles ont considéré qu’il s’agit d’une question de «souveraineté nationale», de l’avis de M. Moussa Benhamadi, le ministre algérien de la Poste et des Technologies de l’information et de la communication.

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Ainsi, les SMS de bienvenue envoyés par Tunisiana de l’autre côté de nos frontières, indisposaient nos frères algériens, au point qu’un de leur ministre, M. Benhamadi en l’occurrence, ira jusqu’à déclarer que «nos communications peuvent être interceptées à l’étranger». Comme si le numéro un du mobile dans notre pays pouvait avoir un quelconque intérêt à enregistrer les communications téléphoniques de nos voisins. L’affaire a eu à l’époque des échos jusqu’en Tunisie, via nos confrères de Thd.tn.

Pourquoi Tunisiana et non Orange ou Tunisie Telecom ?

Curieusement, on remarquera que les médias algériens n’ont émis aucun reproche à l’égard des deux autres opérateurs tunisiens des télécoms. Ni Orange, encore moins Tunisie Telecom qui disposent pourtant également de couvertures conséquentes, n’ont été évoqués dans la presse algérienne. Alors que le nom du premier opérateur privé des télécoms en Tunisie, Tunisiana, est apparu même dans des articles dédiés au «cyber-terrorisme» (voirici). De quoi s’interroger sérieusement sur les motivations de ces attaques.

Or pour ceux qui l’auraient oublié, c’est le Qatar, via la société Qtel, qui détient 75% des parts dans le capital de Tunisiana. Il apparait donc qu’en la visant, c’est plutôt ses actionnaires et principalement l’Emirat du Cheikh Hamad ben Khalifa Al Thani, que nos voisins espèrent toucher. Et la polémique sur la question déborde du domaine exclusif de la technologie. Les accusations menées contre Tunisiana par les autorités algériennes ne sont pas uniquement liées à la téléphonie.

La preuve ? L’Agence Nationale des Fréquences tunisienne (ANF Tunisie) s’était rapidement penché sur le problème, et a précisé dans un communiqué que «des problèmes similaires précédents soulevés aussi bien du côté tunisien qu’algérien, ont fait l’objet de coordination entre l’ANF et son homologue Algérienne (ANF Algérie). Ils ont été résolus rapidement grâce la bonne volonté des différentes parties concernées des deux pays : ANFs et opérateurs». Et au niveau tuniso-algérien, l’affaire n’a pas connu d’autres suites. Manifestement, le problème est ailleurs, bien loin des frontières du Maghreb.

Doha accusé de déstabiliser Alger

L’Algérie accuse en effet le Qatar d’avoir des menées subversives. L’Emirat a mauvaise presse en ce moment, chez nos voisins, qui l’accusent même d’encourager les visées terroristes de groupes tels que le Mouvement pour l’unicité et le djihad en Afrique de l’Ouest (Mujao), qui a fait de l’Algérie sa cible principale. Et ce n’est pas l’assassinat récent d’un diplomate algérien par ce même groupe qui contribuera à détendre l’atmosphère. C’est le journal français «Le Canard Enchaîné» qui avait dégoupillé le premier cette bombe médiatique, faisant état d’une tentative de déstabilisation de nos voisins par le Qatar. De son côté, la chaîne qatarie Al Jazeeera offre à ce groupe terroriste une couverture télévisée qui irrite Alger. Le rôle de Doha dans un secteur aussi important que les télécoms a donc de quoi inquiéter l’Algérie. Autant de raisons, donc, qui ont fait de Tunisiana, (à son corps défendant), une cible privilégiée, pour nos ombrageux frères algériens.

Oualid Chine