des incidents ont conclu, hier soir, à Tunis, la plus importante manifestation depuis la chute du Président Ben Ali, où plus de 100 000 personnes ont réclamé le départ du gouvernement de transition.
L’annonce, en début d’après-midi, de la tenue d’«élections au plus tard mi-juillet» n’a pas apaisé les esprits. Des rafales d’armes automatiques ont été entendues en début de soirée dans le centre de Tunis, près de l’avenue Bourguiba. Des manifestants ont attaqué le ministère de l’Intérieur, lançant des pierres contre le bâtiment et endommageant plusieurs voitures.
Cette attaque a causé la destruction de plusieurs voitures en stationnement dans le parking situé à proximité du ministère. Dans un climat chaotique, des soldats et des policiers pourchassaient des manifestants qui leur jetaient des projectiles, au milieu de fortes détonations. Les agents des forces de sécurité intérieure et des unités de l’armée nationale ont essayé de disperser les manifestants en lançant des grenades lacrymogènes, mais les manifestants se sont entêtés à essayer de pénétrer dans le siège du ministère. Des policiers ont procédé à de nombreuses arrestations, parfois musclées, alors que le centre-ville était toujours survolé par des hélicoptères. Les manifestants sont venus affirmer que leur «révolution» qui a fait chuter le régime de Ben Ali «ne sera pas usurpée». Dans le centre de Tunis, certains ont scandé «Ghannouchi dégage !», «Ghannouchi prend tes chiens et démissionne !», «Non à la confiscation de la révolution !». D’autres, enveloppés de drapeaux tunisiens, ont brandi des banderoles où l’on pouvait lire «Ghannouchi, ton insistance montre que tu caches ta mauvaise foi», «Nous sommes là aujourd’hui pour faire tomber le gouvernement», ont lancé des manifestants.
Une pancarte d’une vingtaine de mètres a été déployée où l’on pouvait lire : «Sit-in jusqu’à la dissolution du gouvernement.» Tard dans la soirée, l’avenue Bourguiba a ressemblé à un véritable champ de bataille. Commissariats incendiés, voitures de police brûlées, cafés saccagés, arbres et bancs arrachés, avec des policiers lancés à la poursuite de «terroristes» accusés de vouloir «semer le chaos». Une véritable chasse à l’homme était en cours dans le centre de Tunis, où des groupes de manifestants ont provoqué durant plus de cinq heures des forces de l’ordre déployées près du ministère de l’Intérieur. La panique s’est emparée de la population dans la capitale qui se terre et dit n’avoir pas vu une telle violence après la chute du régime policier du Président Ben Ali à la mi-janvier. Soldats, forces anti-émeutes, policiers en civil encagoulés armés de matraques sillonnent ensuite la ville. Des hélicoptères de l’armée survolent à basse altitude la capitale durant des heures. L’avenue Bourguiba s’enfonçait dans d’épaisses colonnes de fumée noire après plusieurs foyers d’incendie allumés par des manifestants. L’air, chargé de gaz lacrymogène et la fumée des incendies, brûlaient les yeux et étaient irrespirables.