Pour tenter de comprendre un tel phénomène, nous avons pris attache avec un psychiatre qui est aussi président de l’association des parents et amis des malades mentaux, le Dr Rabah Amireche.
Le phénomène du suicide n’a pas épargné les enfants ces derniers jours dans la wilaya de Tizi Ouzou où trois cas ont été enregistrés en l’espace de 24 heures à des endroits différents de la région. Bien que le suicide a intégré la liste des fléaux de la société algérienne durant ces dernières années, néanmoins recenser le décès par pendaison de trois enfants dont l’âge varie entre 11 et 13 ans en si peu de temps nécessite une attention particulière des autorités afin de trouver les meilleurs voies et moyens de mener le travail de prévention car il est plus utile de se pencher en priorité comment stopper et que d’investiguer dans les cas de désespérés qui ont recouru à ce geste. Ce triple suicide a jeté l’émoi dans toute la région de Kabylie semant même la panique parmi les parents d’enfants surtout les camarades des trois enfants. La mauvaise nouvelle est sur toutes les lèvres à Tizi Ouzou depuis hier et les discussions tournent autour de ce qui a bien poussé ces trois innocents à recourir à ce geste. Alors, pour certains, l’échec scolaire pourrait être l’une des raisons principales du suicide de ces trois victimes.
Hier encore on n’arrive toujours pas à réaliser ce qui vient de frapper la région et l’urgence d’apporter des réponses scientifiques est plus que souhaitée par de nombreux parents avec qui nous nous sommes entretenus. Nous apprenons dans ce sillage que les chefs d’établissement où sont scolarisés les trois victimes ont déjà transmis leurs rapports pédagogiques sur la situation de chacun des trois élèves à la direction de l’éducation de la wilaya. Pour tenter de comprendre un tel phénomène, nous avons pris attache avec un psychiatre qui est aussi président de l’association des parents et amis des malades mentaux, en l’occurrence le Dr Rabah Amireche. Citant le Dr Arnold Gesell, un psychologue et pédiatre américain pionnier dans le domaine du développement de l’enfant, il a indiqué que «le suicide chez l’enfant est exceptionnel» bien que «les tendances agressives sont présentes et entrent dans la phénoménologie du suicide et ce n’est que vers neuf ans que l’enfant accepterait de façon très réaliste le fait qu’il mourra plus tard» et d’autres spécialistes en la matière ont conclu que «l’autopunition est aussi une punition des parents car les enfants savent de bonne heure que leur suicide est la punition suprême de leurs parents».
S’agissant du suicide chez l’adolescent selon notre interlocuteur fait que «la problématique propre à cet tranche d’âge est marquée du sceau de l’angoisse de castration exprimée dans les transformations du corps, le surgissement de la pulsion sexuelle». Il ajoute encore que «l’incertitude sur l’identité et l’insertion sociale est son besoin d’identification à des idéaux et idoles auxquels il puisse arrimer son devenir» et «l’adolescent n’ayant pas la force de se révolter contre l’adulte agresseur, il peut avoir recours à l’identification à l’agresseur et pour l’atteindre il frappe son corps contenant cet autre introjecté». Pour le Dr Amireche «le mimétisme des conduites est une des caractéristiques des conduites à cet âge. Si un adolescent est respecté en raison de sa conduite délinquante, violente, tous les adolescents alentour voudront faire de même, si on vénère la mort chez un jeune alors il faut s’attendre à ce que d’autres tentent de se retrouver à la même place» et il ne faut pas «méconnaître le questionnement et surtout ne pas mésestimer le poids des mêmes préoccupations chez ces jeunes qui partagent le même désespoir, le même sentiment d’injustice et en bute aux mêmes impasses».

Pour notre interlocuteur «il n’y a pas lieu de dramatiser et encore moins de minimiser le phénomène» et suggère que l’on songe convenablement à la méthode de prévention contre le phénomène du suicide chez l’enfant et l’adolescent afin de ne pas se retrouver en train d’inciter plutôt que de prévenir. Il préconise la création d’un centre de prévention du suicide qui serait utile pour mieux prendre en charge les suicidants et organiser le réseau de prévention par une information et une formation adéquates.
Il pourra donc encadrer tous les personnels d’éducation, de soins et d’enseignement. Notons enfin que l’an dernier sur les 47 cas de suicide recensé dans la wilaya de Tizi Ouzou figure un collégien de 14 ans. Bien que les rares études menées dans ce domaine dans la même région n’ont pas spécifié sur la tranche d’âge mais elles sont restées vagues, d’où l’urgence d’approfondir les investigations et d’en tirer des conclusions susceptibles de déterminer le plan de prévention.
Par Hamid Messir
Les services de sécurité enquêtent
Les services de sécurité ont ouvert des enquêtes sur les suicides, dimanche et lundi derniers, de trois enfants âgés entre 11 et 13 ans dans la wilaya de Tizi Ouzou, a-t-on appris de sources sécuritaires.
Le commandant du groupement de la Gendarmerie nationale de Tizi-Ouzou, le colonel Salem Ben Azouz, a indiqué à l’APS que les services de la gendarmerie ont ouvert une enquête pour élucider les circonstances de la mort de D. Mohamed et de H. Mohamed Akli. «Nous ouvrons une enquête pour chaque cas de suicide», a-t-il indiqué. Concernant le cas de l’enfant retrouvé pendu à Ikhribene, dans la commune de Tizi Rached qui ne dispose pas d’une brigade de gendarmerie, l’enquête est menée par les services de la police, a-t-on appris auprès de la cellule de communication de la sûreté de wilaya.
K. L.