Le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) a requis hier des mandats d’arrêt contre le dirigeant libyen Maâmmar Kaddafi et son fils Seïf El Islam pour crimes contre l’humanité.
En réponse au mandat d’arrêt contre le colonel Kaddafi, demandé par la CPI, Tripoli a répondu n’être «pas concerné» par les décisions de la CPI dans la mesure où la Libye n’est pas signataire du traité de Rome instituant la Cour en 2002. De ce fait, la Libye n’est pas dans l’obligation de remettre le colonel Maâmmar Kaddafi à la justice internationale. Dans un communiqué le porte-parole du régime libyen Moussa Ibrahim a souligné avant-hier que «la CPI était dépendante des informations fournies par la presse pour évaluer la situation en Libye».
Selon lui, la Cour pénale internationale a de ce fait tiré des «conclusions incohérentes», mettant en avant que le gouvernement libyen n’avait en aucun cas «ordonné de tuer des civils ou engagé des mercenaires contre son peuple». D’ailleurs, soulignera-t-il, le régime libyen avait maintes fois appelé la communauté internationale à faire la lumière sur les évènements et à mener des enquêtes sur place. Aussi, insistera-t-il sur le fait que Tripoli, à maintes reprises à «appeler en vain les rebelles armés à un cessez-le-feu et à la fin des violences pour entamer un véritable dialogue national pour permettre à toutes les parties libyennes de participer à la prise de décisions dans le futur». Dans cette optique, une valse de négociations et de démarches politiques et pacifiques ont été entreprises par plusieurs pays tant arabes, africains qu’européens, qui tous plaident fortement pour un arrêt immédiat des combats afin d’engager des pourparlers regroupant les deux parties belligérantes dans le but de trouver un consensus qui mettrait enfin un terme à cette guerre civile qui n’a que trop duré. S’agissant du CNT libyen, tout en saluant l’action du procureur, il a exprimé le souhait que le colonel Kaddafi et ses proches «soient d’abord jugés en Libye avant de l’être par une cour internationale».
Par ailleurs, concernant les «preuves recueillies» par la CPI, il s’agit vraisemblablement de plus de 1 200 documents qui ont été examinés, dont des vidéos et des photographies, et plus de cinquante entretiens, dont certains avec des témoins oculaires, qui ont été menés. Pour ne pas les mettre en danger, aucun témoin n’a été entendu en Libye même. Dimanche dernier, un document de 74 pages a été finalisé à La Haye pour étayer la requête de mandats d’arrêt pour crimes contre l’humanité, ont rapporté des agences.
Ce qu’il faut savoir à ce sujet, c’est que la demande du procureur de la CPI et les éléments à charge contre Kaddafi, entre autres, devront désormais être étudiés par les juges de la CPI qui devront alors décider d’émettre ou non les mandats d’arrêt. Ils pourront également demander au procureur des informations supplémentaires. Cette étape conclura peut-être une procédure commencée le 26 février dernier, lorsque le tribunal de La Haye (Pays-Bas) avait été saisi par le Conseil de sécurité de l’ONU pour enquêter sur les violences commises contre les manifestants en Libye. Pour l’association de défense des droits de l’Homme, Human Rights Watch, il s’agissait d’un «premier pas vers la justice».
Nouveaux bombardements de l’Otan sur Tripoli
Alors qu’aucune solution à même de mettre un terme à la crise qui déchire la Libye depuis mars dernier, les combats entre les forces du régime et les rebelles libyens se poursuivaient dans plusieurs régions, notamment dans l’ouest du pays. Et parallèlement, les opérations militaires de l’Otan continuent de frapper surtout à Tripoli. Ce qui en tout état de cause, fait que la population civile demeure la première victime de ce conflit fratricide meurtrier. Un conflit, qui par ailleurs, contraint des centaines de milliers de personnes à fuir l’insécurité et les violences, mais surtout une situation humanitaire effrayante.
Les forces de l’Otan ont mené dans la nuit de lundi à mardi (hier) de nouveaux raids en Libye causant des pertes parmi les civils. Des raids que Tripoli dénoncera, les considérant comme «violations graves» contre la population civile libyenne. Ces raids ont été précédés par deux puissantes explosions dans le même secteur à Tripoli. Des médias libyens ont fait état de plusieurs morts, dont des civils, et de nombreux blessés. Ces nouveaux bombardements des forces de la coalition étrangère conduites par les forces militaires de l’Alliance atlantique ont pris pour cible un bâtiment des services de sécurité intérieure et le siège du ministère d’Inspection et de Contrôle populaire, organe de lutte contre la corruption en Libye. Ainsi, hier dès l’aube, les pompiers luttaient toujours contre les flammes qui ravageaient les deux bâtiments, ont rapporté des correspondants sur place, emmenés sur les lieux par les autorités de Tripoli, pour couvrir les «abus» de l’Otan.
Campagne psychologique de l’Otan
Selon le lieutenant-colonel britannique Mike Bracken, cité hier par le journal français Le Figaro, l’Otan a lancé une campagne psychologique, avec des messages radiodiffusés ou en lançant des tracts depuis des avions, pour appeler les soldats à la désertion. L’alliance, selon lui, veut également encourager les troupes fidèles au colonel Kaddafi, ainsi que les civils, à se tenir à l’écart des installations militaires.
Ainsi, le responsable britannique dira que «depuis le début des opérations, nous avons encouragé les forces pro-Kaddafi à déposer les armes». Ajoutant que «récemment, nous avons intensifié ces activités en distribuant des tracts et en utilisant des systèmes radio aéroportés pour dire aux forces loyales à Kaddafi de s’éloigner de tout équipement militaire, y compris des avions, navires, véhicules et infrastructures». Précisant que quelque 140 000 tracts ont été largués par des avions à ce jour.
La Russie fait pression sur Tripoli
La Russie a demandé à des émissaires du régime libyen, hier à Moscou, d’appliquer la résolution du Conseil de sécurité de l’ONU et de cesser toute action contre la population civile, a déclaré le chef de la diplomatie, Sergueï Lavrov, dans des propos retransmis à la télévision. Relatant les discussions qu’il avait eues avec les représentants du colonel Kaddafi, le ministre russe dira que «nous avons soulevé les questions qui reflètent notre position de principe qui consiste en premier lieu à ce que le sang cesse de couler le plus vite possible en Libye». Et de poursuivre que «nous avons fait valoir qu’il était indispensable pour les dirigeants libyens de commencer à pleinement mettre en œuvre la résolution du Conseil de sécurité». Le chef de la diplomatie russe a également indiqué avoir appelé Tripoli à «coopérer avec l’ONU pour permettre de livrer l’aide humanitaire sur tout le territoire libyen».
Pékin réitère sa demande pour un arrêt des combats imminent
La Chine a, une fois de plus, appelé hier à un cessez-le-feu immédiat en Libye, déclarant que l’avenir de ce pays d’Afrique du Nord devait être décidé par le peuple libyen lui-même. A ce propos, la porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Jiang Yu, lors d’une conférence de presse, a souligné l’intérêt que suscite la situation en Libye, appelant ainsi, «de nouveau les parties concernées à cessez-le-feu immédiatement et à résoudre les crises actuelles par des moyens pacifiques, tels que les négociations et le dialogue». En outre, Mme Jiang a estimé que la communauté internationale devait faire davantage d’efforts pour amener la crise libyenne vers une solution politique.
Le ministre libyen du Pétrole en Tunisie
Le ministre libyen du pétrole Choukri Ghanem a «quitté la Libye», et se trouve actuellement en Tunisie, a indiqué hier à l’AFP une source proche du gouvernement tunisien.
Pour rappel, le département du Trésor américain a indiqué le 8 avril dernier que les sanctions économiques de Washington contre le régime libyen avaient été étendues à cinq membres du régime, dont le ministre du Pétrole, Choukri Ghanem, qui voient leurs éventuels avoirs aux Etats-Unis gelés.
14 000 migrants vers l’Italie et Malte
Quelque 14 000 personnes ayant fui la Libye sont arrivées en Italie et à Malte depuis le début du conflit, a indiqué hier le Haut-Commissariat de l’ONU aux réfugiés (HCR). «Au jour d’aujourd’hui, environ 14 000 personnes sont arrivées en bateau en Italie et à Malte depuis la Libye, dont
1 669 vendredi et samedi», a déclaré la porte-parole du HCR, Melissa Fleming, lors d’un point de presse.
Par Lynda N. Bourebrab