Tripoli à feu et à sang,La tête de Kaddafi mise à prix

Tripoli à feu et à sang,La tête de Kaddafi mise à prix

Au lendemain de la prise de la résidence de Maâmmar Kaddafi à Tripoli, le Guide libyen reste introuvable, le CNT met sa tête à prix et la ville est en proie à de violents combats.

Les insurgés ont annoncé hier une récompense de 1,7 million de dollars (2 millions de dinars libyens) pour la tête de Maâmmar Kaddafi, mort ou vif. Cette somme est proposée par des hommes d’affaires libyens et le Conseil national de transition qui a indiqué soutenir cette initiative. En outre, le CNT libyen a promis une amnistie à quiconque arrêtera ou tuera Maâmmar Kaddafi. A ce sujet, Moustapha Abdeldjelil, président du CNT, déclarera : «Le CNT annonce que tout membre de son entourage qui tuera ou capturera Kaddafi se verra accorder une amnistie ou une grâce pour les crimes qu’il a commis». D’un autre côté, des élections législatives et présidentielles seront organisées en Libye dans huit mois, promet le CNT dans une interview au quotidien italien La Repubblica. Concernant le sort du Guide libyen, il dira : «L’opinion dominante est de juger le raïs et sa bande dans le cadre d’un procès équitable, qui doit se dérouler en Libye (…) Pour cela, nous voulons qu’ils soient pris vivants et traités différemment de la façon dont le colonel traitait ses adversaires». Sur un autre registre, le Conseil national de transition libyen (CNT) a fait savoir qu’il transfèrera dans les 48 heures son siège actuel de Benghazi à Tripoli, la capitale, a annoncé Ahmed Bani, porte-parole militaire de l’insurrection, à la chaîne de télévision qatarie Al Jazeera.

Par ailleurs, le chef de l’Etat français Nicolas Sarkozy devait s’entretenir hier en fin d’après- midi au palais de l’Elysée avec Mahmoud Jibril, le Premier ministre du Conseil national de transition, l’organe politique de la rébellion libyenne. Il est ainsi prévu que les deux hommes discuteront bien évidemment de «la situation en Libye et de l’action de la communauté internationale pour soutenir la transition politique».

Les combats continuent de faire rage à Tripoli

Ainsi, les combats ont continué hier à faire rage dans le secteur du Guide libyen. Des affrontements nourris ont repris dans ce quartier. Les violences s’étendent au quartier voisin d’Abou Slim, l’un des derniers fidèles au colonel et d’où les rebelles ont reculé. En outre, des check-points ont été mis en place dans la capitale par la rébellion qui a deux priorités. D’abord, la prise d’Abou Slim et la sécurisation de la route accédant à l’aéroport, cible de tirs abondants. Par ailleurs, les combats se sont poursuivis dans le reste du pays. Ainsi, à l’est, les rebelles qui avaient pris Brega ont fait un bond de 80 km et se sont emparés du port pétrolier de Ras Lanouf, à 130 kilomètres à l’est. Plus à l’est, les rebelles libyens ont resserré avant-hier leur étau sur Syrte, région d’origine et bastion du colonel Kaddafi, où des négociations ont été entamées avec les tribus locales pour obtenir une reddition pacifique de la ville. Par l’ouest, des rebelles venus de l’enclave de Misrata ont annoncé se trouver à une centaine de kilomètres de Syrte. De leur côté, les forces fidèles à Kaddafi ont bombardé plusieurs secteurs du centre de Tripoli, dont «l’ex-quartier général du Guide de la Révolution pris la veille par les insurgés», a rapporté un porte-parole des insurgés. Précisant qu’«il y a eu des bombardements sur Bab Al Aziziyah, dans le secteur d’Al Mansoura et dans une autre zone proche de l’hôtel Rixos. La plupart de ces bombardements sont le fait de cellules du régime postées dans le secteur d’Abou Salim». Avant-hier soir, plusieurs missiles Scuds ont été lancés depuis les environs de Syrte en direction de Misrata, où de puissantes explosions ont été entendues, selon les rebelles de cette ville.

Kaddafi dit s’être promené incognito à Tripoli

Selon un représentant des rebelles, Maâmmar Kaddafi se trouve encore dans la capitale libyenne et des affrontements ont lieu dans un quartier du sud où il pourrait avoir trouvé refuge. Aussi, dira-t-il : «Nous pensons que Kaddafi est encore quelque part à Tripoli. Il est probablement dans le quartier d’Al Hadhba Al Khadra» où des combats se déroulent encore.

Une déclaration qui sera pour partie confirmée par le dirigeant libyen lui-même puisqu’il a affirmé s’être promené incognito dans Tripoli et a appelé les habitants à «nettoyer» la capitale des rebelles qui en ont pris le contrôle, dans un message audio diffusé hier matin par la chaîne syrienne Arrai. «Je me suis promené incognito, sans que les gens me voient, et j’ai vu des jeunes prêts à défendre leur ville», a affirmé le «Guide» de la révolution libyenne dans ce message, dans lequel il a appelé à «nettoyer Tripoli des rats». «Tous les Libyens doivent se rendre à Tripoli, les jeunes hommes, les membres des tribus et les femmes doivent parcourir Tripoli et la passer au peigne fin à la recherche de traîtres», a dit Kaddafi. En outre, le colonel Kaddafi a assuré dans une déclaration sonore que la prise avant-hier de son quartier général de Bab Al-Aziziya à Tripoli par les rebelles n’était qu’un retrait «tactique» de sa part. «Bab Al-Aziziya n’était plus qu’un tas de décombres après avoir été la cible de 64 missiles de l’Otan (depuis le début du conflit) et nous nous en sommes retirés pour des raisons tactiques», a déclaré le Guide libyen dans une déclaration diffusée avant-hier soir par la chaîne de télévision Al-Orouba. Par ailleurs, le colonel a qualifié de «décision tactique» son départ de son quartier général de Bab Al Aziziah, rasé, selon lui, par 64 bombardements aériens de l’Otan. Maâmmar Kaddafi a de ce fait promis de se battre jusqu’au «martyre» ou jusqu’à la victoire contre l’Otan.

De son côté, la fille du colonel Kaddafi a affirmé à une chaîne de télévision libyenne tenue par des forces loyales à son père que les Libyens doivent rester unis contre l’Otan et l’ingérence étrangère.

ONU : une résolution sur la Libye en vue

La France et plusieurs de ses alliés aux Nations unies travaillent à une nouvelle résolution sur la Libye pour permettre la levée de sanctions prises contre le régime de Maâmmar Kaddafi et le dégel d’avoirs libyens, ont indiqué hier des sources diplomatiques françaises. La rédaction de ce texte est au stade préliminaire et devrait se poursuivre lors de discussions prévues dans les prochains jours au Qatar, en Turquie et à New York, a précisé cette source.

Medvedev appelle à un dialogue

Le président russe Dmitri Medvedev a appelé hier le colonel Kaddafi et les rebelles libyens à mettre fin aux violences et à entamer des négociations. A ce sujet il dira : «Nous souhaitons que les Libyens parviennent à trouver un accord entre eux (…) un arrêt des combats dès que possible et qu’ils s’assoient à la table des négociations et parviennent à un accord sur l’avenir de la Libye».

Par ailleurs, la Russie s’est dit prête à établir des relations diplomatiques avec les rebelles libyens s’ils parviennent à unir le pays, a indiqué hier le président russe Dmitri Medvedev.

En outre, il estimera qu’il y a toujours «deux pouvoirs» en Libye. Et de souligner qu’«en dépit des succès des rebelles, Kaddafi et ses soutiens ont toujours une certaine influence et un potentiel militaire.

Nous voulons qu’ils s’assoient à la table des négocitions et parviennent à un accord de paix. En réalité, il y a deux pouvoir dans le pays».

La Chine veut une «transition stable»

La Chine a prôné hier une «transition stable du pouvoir» en Libye et a dit être en contact avec le Conseil national de transition formé par les insurgés, qui sont apparemment en passe de renverser Kaddafi. Cette déclaration constitue le signe le plus clair jusqu’à présent que Pékin semble désormais considérer les insurgés libyens comme les représentants légitimes de leur pays au détriment de Maâmmar Kaddafi.

Chavez : Kaddafi est toujours le n°1 libyen

Le président vénézuélien Hugo Chavez a déclaré avant-hier ne reconnaître que le gouvernement libyen de son ami et allié Maâmmar Kaddafi. Lors d’une réunion du Conseil des ministres retransmise en direct à la télévision, il a accusé les Etats-Unis d’encourager la guerre civile et les pays occidentaux d’attiser le conflit pour faire main basse sur les richesses pétrolières libyennes : «On bafoue, on piétine (…) les éléments les plus fondamentaux du droit international. Où sont les droits internationaux ? On se croirait de retour à l’âge des cavernes».

L’héritier de l’ex-royaume de Libye «prêt à servir son pays»

L’héritier du trône de l’ex-royaume de Libye, Mohammed Al-Senoussi, 49 ans, en exil depuis 23 ans, s’est déclaré «prêt à servir» son pays, si le peuple le désire, dans un entretien à l’hebdomadaire allemand Die Zeit à paraître jeudi, ont rapporté des agences. Aussi, réclamant un «Etat démocratique», Mohammed Al-Senoussi dira dans cette interview, selon un communiqué avant parution, que «c’est le peuple qui doit décider». Et d’ajouter que «voir le drapeau de la liberté flotter sur Tripoli me rend incroyablement heureux et fier de mon peuple». En outre, Al-Senoussi a déclaré avoir mené, ces derniers jours, des discussions avec des personnalités «officielles» en France et rencontré l’ambassadeur français et britannique à Tripoli, selon Die Zeit.

L. N. B.