Tripartites économique et sociale Tout sur les propositions de l’UGTA

Tripartites économique et sociale Tout sur les propositions de l’UGTA

La Centrale, qui tente de compenser son manque de combativité syndicale par une force de proposition tous azimuts, a concocté des documents forts intéressants, qu’elle compte soumettre aux partenaires gouvernemental et patronal lors des prochaines tripartites, prévues pour les mois d’octobre et de décembre prochains. Focus…

Le moins que l’on puisse dire est que la Centrale UGTA a l’intention d’imprimer son empreinte personnelle aux deux rencontres tripartite, l’une économique et l’autre sociale, prévues toutes deux avant la fin de cette année. Deux documents, renforcés par des travaux et des avis d’experts, dont nous nous sommes procuré des copies, ont en effet été élaborés à cet effet.

Concernant la tripartite économique, dont la date de sa tenue a été fixée pour le 10 octobre prochain, le document de Sidi Saïd s’intitule «contribution de l’UGTA à la construction d’une industrie forte». Celui-ci commence par dresser un état des lieux, particulièrement alarmant.

Or, face à la mondialisation, les défis à relever se font d’autant plus pressants et plus difficiles à relever. Voilà pourquoi, avant d’enchaîner sur une bagatelle de 142 propositions dites consensuelles, l’UGTA propose en préambule de « donner ou redonner à l’entreprise son initiative, son indépendance et son autorité dans son rôle d’acteur économique». L’entreprise doit donc redevenir le centre de tout.

Le «tout-État» est à bannir, de même que le délit de gestion. Suivent alors les potentialités soigneusement énumérées et étiquetées par ce document, histoire de bien souligner qu’une relance industrielle est non seulement possible, mais carrément à portée de main.

UNE PLACE CENTRALE POUR L’ENTREPRISE ET DÉPÉNALISATION DE L’ACTE DE GESTION

Pour cela, un judicieux partage des tâches s’avère nécessaire : «aux pouvoirs publics d’identifier les filières à développer, et à l’entreprise industrielle de connaître le marché et son évolution, de maîtriser les coûts de production, les outils d’informations, de développer sa relation avec le consommateur et de développer et de faire admettre le concept de la consommation du produit local».

Il est à signaler qu’une part prépondérante est également accordée aux ressources humaines. Viennent enfin ces fameuses «mesures consensuelles» préconisées par l’UGTA. Au nombre de 142, elles seront résumées par paquets ou centres d’intérêts.

Il y est par exemple question de la création de plusieurs organismes accompagnateurs, comme un conseil national de la production locale, un centre de veille stratégique et d’orientation économique, un observatoire économique, un autre pour le tourisme, et même de la mise en place d’un fonds spécial de soutien aux activités productives et, cerise sur le gâteau, un fonds souverain algérien en lieu et place de toutes ces réserves de changes qui dorment dans les caisses de la FED.

Dans la même lignée, il est également proposé la réactivation du Conseil de la concurrence, mais aussi des bases de données dynamiques. Et, pour que l’entreprise soit au centre de toutes les attentions, il est même préconisé la mise en place d’une médiation bancaire.

L’UGTA propose également une très controversée mesure visant à réintroduire l’autorisation d’importation. Sidi Saïd défend cette proposition, pourtant rejetée par les commerçants et les patrons, en indiquant que l’Algérie a déjà déboursé la bagatelle de 6 milliards de dollars que pour les six mois écoulés dans l’achat de produits que notre pays produit en quantités suffisantes et d’une qualité plus qu’acceptable.

L’UGTA pousse le bouchon encore plus loin en souhaitant une hausse des taxes douanières de l’ordre de 30% pour tout produit importé destiné à la revente en l’état. Plus «fort encore», Sidi Saïd souhaite «la création de structures de grande distribution dédiées exclusivement à l’écoulement de la production nationale».

C’est un peu le retour des EDGA et des Souk El-Fellah qui est préconisé. Sur le plan de recherche et de la technologie, si l’on passe sur les questions liées au foncier, l’octroi des marchés et même l’entretien des machines, il est carrément question d’étendre des ponts entre «nos institutions et les chercheurs algériens exerçant à l’étranger».

Le document, qui donne l’air d’avoir été soumis à de grands experts au regard de sa pertinence, évoque également la nécessité de création d’une sorte de start-up en mettant à niveau en priorité les 50 plus grandes entreprises du pays. Dans la même lignée, il est également souhaité la création d’une «zone industrielle à vocation nationale réservée aux jeunes porteurs de projets innovants».

LA MAFIA DE L’INFORMEL PEUT FAIRE RECULER L’ÉTAT

Beaucoup d’autres propositions, qui vont des technologies de pointe jusqu’au tourisme en passant par la pêche et l’aquaculture, sont également incluses dans cet ambitieux document qui se propose de faire «face aux grands défis de l’heure, particulièrement le défi majeur, qui est celui de concrétiser, face à la mondialisation, la protection et l’augmentation de la valeur ajoutée nationale».

Le second document, qui s’appesantit sur les questions sociales, auxquelles une seconde tripartite sera consacrée au mois de décembre prochain, s’intitule «mémorandum relatif à la politique de maîtrise des prix et de sauvegarde du pouvoir d’achat».

À ce propos, et avant d’enchaîner, il convient de souligner que la Centrale a arraché de haute lutte cette seconde rencontre, où il devrait être question de ce sempiternel article 87-bis de la loi 90-11, d’une éventuelle revalorisation du SNMG (salaire national minimum garanti), et enfin comment maîtriser un peu mieux l’inflation.

Celle-ci, attaque tout de go le document, a atteint le chiffre record, selon le très officiel ONS (Office national des statistiques) de 12,4% en ce qui concerne les produits alimentaires.

De quoi réduire à néant un pouvoir d’achat déjà bien assez malmené sans cela. Plus grave encore, liton aussi dans ce document en préambule, «la hausse des prix n’est pas conjoncturelle mais semble s’inscrire dans la durée et fait de plus en plus partie des anticipations des opérateurs économiques et des citoyens».

Si bien que «l’économie nationale n’est pas à l’abri d’une spirale de dérégulation chronique…». Cela est d’autant plus vrai que toutes les hausses salariales consenties jusque-là, et qui n’ont même pas touché tous les secteurs d’activités (les employés chez le privé ont été les plus lésés), n’ont en fin de compte servi à (presque) rien.

Il faut dire, que le département en charge du commerce se montre particulièrement défaillant, comme le relève encore la Centrale dans son document : «les dysfonctionnements de plus en plus grands que connaissent les marchés indiquent bien que l’offre est, en de multiples façons, manipulée faisant prévaloir un phénomène de pénurie organisée et que les circuits formels arrivent de moins en moins à satisfaire la demande (…) les pouvoirs publics ont livré, par des politiques de régulation déficientes, le marché aux forces de la spéculation».

La spéculation a été telle, relève encore ce document, qu’en l’espace de quatre années à peine, pas moins de 300 000 nouveaux magasins de vente en l’état ont été ouverts.

RETOUR DU CRÉDIT À LA CONSOMMATION

Le document enchaîne pour tenter de sérier les raisons qui motivent cette insoutenable inflation. Il est question d’«offre excessive de monnaie, de politique budgétaire expansive, des augmentations salariales (sic !), de la désorganisation des marchés, de la faible maîtrise de la chaîne logistique du commerce extérieur, de la spéculation et de l’absence de maîtrise du secteur informel».

Très alarmistes, et après le survol des facteurs liés à l’offre et à la demande, c’est l’histoire de l’organisation du marché qui pose le plus sérieux problème : «on voit bien en 2012 que cette nécessité économique d’organiser et de rendre transparents les marchés se heurte non seulement à une forte contrainte sociale mais aussi au poids d’intérêts gris de plus en plus puissants ».

Entendre par «intérêts gris» une mafia de la spéculation tentaculaire qui a amassé des fortunes, et qui a acquis le pouvoir de faire pression sur les décisions et les orientations de l’État.

Cette mafia, donc, s’est manifestée en 2011 «en faisant reculer le gouvernement sur l’obligation de payer par chèques les transactions dont le montant est supérieur à 500 000 DA». Une douzaine de mesures sont préconisées en conclusion en vue de maîtriser les prix et de sauvegarder le pouvoir d’achat.

Il s’agit, en gros, d’aller vers «un impôt équitable grâce à une fiscalité directe plus équilibrée (…), revenir à la règle d’or qui consiste à couvrir les dépenses de fonctionnement par la fiscalité ordinaire et consacrer les ressources issues des exportations d’hydrocarbures au développement du pays, opérer des changements profonds des missions de la Banque d’Algérie dans le sens du financement de la croissance économique, encourager l’utilisation de façon accrue des moyens de paiement scripturaux ou électroniques, encourager l’installation de bureaux de changes privés, encourager l’épargne des ménages en révisant progressivement la politique des taux d’intérêt pour accroître l’épargne transformable en financement des investissements productifs en rendant les taux d’intérêt au moins égaux aux taux d’inflation, agir au niveau des tarifs douaniers à l’effet d’une part, de favoriser les importations des intrants nécessaires à la production nationale et de l’autre, à décourager l’importation des produits finis concurrents des produits nationaux et, bien sur, mettre en place un système de crédit à la consommation réservé exclusivement aux produits fabriqués localement dont le taux d’intégration nationale dépasse les 30%».

Ali Oussi