La 16e rencontre tripartite, tenue hier à Alger entre le gouvernement Sellal, l’UGTA et le patronat, a ressemblé plus à un raout électoraliste qu’à une vraie réunion de travail qui devait être marquée par un débat de fond et des négociations sur des questions économiques et sociales.
Outre l’allocution d’ouverture du Premier ministre qui annonçait la couleur, on a eu plutôt droit à de sommaires interventions sur de vagues sujets dont la récurrente question sur la manière de sortir notre économie du “piège”, pour reprendre le terme du chef du FCE, de sa dépendance franche des hydrocarbures.
L’autre fait remarquable, voire inédit, c’est celui lié à la présence, cette fois, d’invités de différents horizons tels que des économistes et des experts ou encore certains opérateurs réputés proches du cercle présidentiel. Un fait qui a, d’ailleurs, contraint les employés de la résidence d’État, Djenane El-Mitaq, à remplacer le rituel décor triangulaire formé par des tables lors des précédentes tripartites, par un autre, plutôt “carré”, formé de quartes rangées afin de permettre notamment aux nouveaux invités de suivre les débats.
Ce qui n’est pas sans susciter la réaction de certains observateurs qui ont suggéré ironiquement de rebaptiser cette tripartite pour l’appeler “quadripartite”, voire “multipartite” ! Cela pour la forme. Dans le fond, M. Sellal a tenu d’emblée à faire cette précision de taille : “Notre rencontre d’aujourd’hui consacre les vertus du dialogue et de la concertation, principes cardinaux de l’action de son Excellence, monsieur le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, et qui sont les gages de stabilité et du progrès de notre nation.” Le la est donné.
Ce préambule aux relents plutôt électoralistes n’allait pas faire des mécontents parmi les présents.
Au contraire, les intervenants souligneront, tour à tour, la nécessité de préserver “notre stabilité”, non sans saluer les efforts de l’État consentis ces dernières années. Ce qui a facilité la tâche au Premier ministre qui, la veille, avait été chargé d’annoncer la candidature du Président sortant, de “diriger” les débats de cette tripartite comme un véritable chef d’orchestre. Épaulé par ses ministres des Finances et de l’Industrie, M. Sellal n’a pas éprouvé de difficultés à répondre aux propositions, si l’on veut bien admettre qu’il y en a eu vraiment certaines, et autres questionnements du patronat notamment, alors que l’UGTA de Sidi-Saïd semble, comme à l’accoutumée, complètement acquise au gouvernement.
À titre d’exemple, aux craintes exprimées par certains patrons par rapport au risque qu’encourerait notre pays si jamais les ressources hydrocarbures s’épuisaient un jour, M. Sellal n’a pas fait mieux que de rassurer qu’il ne fallait pas être “aussi pessimistes sur les hydrocarbures”. De l’avis de Sellal, cela ne doit pas nous préoccuper outre mesure, tant que, soutient-il, “il y a beaucoup de nouvelles découvertes de ressources énergétiques conventionnelles qu’on pourra exploiter à l’avenir”. “Certes, je suis d’accord pour le principe de faire sortir notre économie de la dépendance aux hydrocarbures, mais nous devons tout de même poursuivre nos dépenses publiques pour consolider l’infrastructure de base. En fait, aujourd’hui, nous tirons sur deux chapeaux : d’une part, nous encourageons effectivement les investissements hors hydrocarbures pour booster notre économie, d’autre part, nous devons encore compter sur les recettes des hydrocarbures pour soutenir les dépenses publiques”. M. Sellal prévoit même un “léger excédent” dans les recettes pétrolières au courant de l’année 2014.
Le Premier ministre soutiendra dans la foulée que “nous pouvons toujours compter sur les hydrocarbures pour développer notre économie”. Se voulant plus que jamais rassurant en cette veille de la présidentielle, M. Sellal ne manquera pas de rappeler à l’ordre les “pessimistes” qui estiment que les réserves de changes générées par la rente pétrolière seraient “en baisse” ces derniers temps. “Mais, qui vous a dit que nos réserves de changes connaissent-elles une baisse ? Ce sont des analyses fausses. Au contraire, nos réserves de changes connaissent une amélioration. En revanche, la production de gaz connaît effectivement une baisse, et là c’est un phénomène naturel. Cette production reprendra vers 2016, avec l’exploitation des nouvelles découvertes”, a expliqué le Premier ministre, soulignant que les réserves de changes, estimées à plus de 190 milliards de dollars, “nous permettent de prévoir la gestion financière sur au moins quatre années à venir”.
M. Sellal n’a même pas peur de la baisse des prix du pétrole. “On a fait des calculs même en cas de baisse du prix du pétrole jusqu’à 50 dollars le baril.” Sur un autre registre, M. Sellal s’est montré plus que jamais intransigeant sur la nécessité de mettre en œuvre le pacte social et économique. “Cette fois-ci, il faut qu’on arrive réellement à respecter ce pacte qui tarde toujours à être mis en application sur le terrain, quitte à aller chez le notaire pour signer un engagement !” Tel a été le propos de M. Sellal suggérant à son propre gouvernement de recourir à un acte notarial pour respecter ses propres engagements. Une fois de plus, l’humour de Sellal, dont seul lui a le secret, aura été au rendez-vous.
F A