L’intervention du président du Forum des chefs d’entreprises (FCE), Rédha Hamiani, a constitué le fait marquant de la séance inaugurale des travaux du sommet de la tripartite, consacrée à la question économique. Pour sa première participation à ce genre de rencontres, le FCE, par la voix de son président, a sorti la grande artillerie. Il a qualifié les résultats nés des actions entreprises par le gouvernement de «mitigés, pour ne pas dire médiocres».
C’est une entrée qualifiée de tonitruante, celle dont s’est distingué le président du Forum des chefs d’entreprises. Voulant sans aucun doute marquer sa présence, mais surtout sa «différence » vis-à-vis des autres organisations patronales présentes à cette rencontre, signataires du pacte économique et social, M. Rédha Hamiani a usé d’un ton critique à l’endroit du Premier ministre. A l’adresse de ce dernier, il dira : «Toutes les actions que vous avez entreprises n’ont pas donné les résultats escomptés.» Le président du Forum des chefs d’entreprises cite «le marché informel», l’instauration du «crédit documentaire», les «blocages administratifs et bancaires» ou encore «l’absence de dialogue» entre les partenaires économiques. En somme, pour l’ex-ministre de la PME-PMI dans le gouvernement Belaïd Abdeslem, «l’Algérie n’a pas fait le bon diagnostic pour faire face au troisième millénaire», ou encore «l’économie algérienne n’est pas préparée pour faire face à cette ouverture économique».
M. Rédha Hamiani a axé sa «plaidoirie» autour de quatre principales revendications. Il s’agit de «la libération effective des initiatives des entrepreneurs nationaux, la non-discrimination des entreprises nationales, qu’elles soient de statut privé ou public, la stabilisation du cadre législatif et réglementaire régissant le fonctionnement de l’économie nationale» et «la mise sur pied d’un mécanisme de dialogue pérenne entre représentants des administrations économiques et représentants des entreprises».
Les mises au point d’Ouyahia
Les propos du patron du FCE n’ont pas laissé indifférent le premier responsable de l’Exécutif. Ahmed Ouyahia, qui a suivi de bout en bout l’intervention de M. Hamiani, a affiché un calme total. Mieux, il a tenu à prendre note de certains des passages de l’intervention du président du FCE, signifiant implicitement à son visà- vis que la réponse sera assurée. Ainsi, avant que les représentants de l’UNEP et des SGP ne prennent la parole, le Premier ministre monte au créneau et arrache la parole «pour faire des mises au point publiques».
Une intervention qui a duré près de cinq minutes, lors desquelles le chef de l’Exécutif a clarifié certaines questions soulevées par les différents responsables d’organisations, dont le président du Forum des chefs d’entreprises. Ce dernier avait quitté la salle de réunions (il était en discussion avec des journalistes), lorsque Ahmed Ouyahia a signifié aux présents : «Nous sommes dans un Etat de droit et aucune ségrégation n’a été faite entre entreprises publiques et privées.» Une première mise au point annonciatrice d’une véritable réplique destinée essentiellement au président du Forum des chefs d’entreprises. La montée au créneau du Premier ministre est caractérisée par ailleurs par sa dénonciation en public de «ceux qui achètent la route pour faire fuir les containers », tout en rappelant que «le marché informel n’est pas le principal adversaire des pouvoirs publics» ou encore «le gouvernement, contrairement à ce que l’on dit, a stabilisé le cadre juridique de son économie». En somme, les mises au point faites par le Premier ministre étaient précédées par des propos que l’intéressé avait soutenus lors de son allocution à l’ouverture du sommet. Ouyahia dira que «le gouvernement n’est pas emmuré dans une attitude triomphaliste ». Selon lui, «il y a des choses qui marchent sur le plan économique et nous le disons, il y a aussi des choses qui restent encore à corriger et nous le reconnaissons pour les améliorer ».
Relance du crédit à la consommation
Cela dit, lors de la séance inaugurale, les présidents des organisations patronales de la CAP, de la CNPA, de la CGEOA, de SEVE, de la CIPA ont exprimé leurs doléances en plaidant «pour un meilleur environnement de l’entreprise». Ainsi, la Confédération algérienne du patronat (CAP) a prôné cinq propositions «à même de contribuer aux débats permettant de mobiliser tous les efforts en prévision du défi à relever», alors que les présidents de la CIPA et de la CNPA ont appelé à «l’amélioration de l’environnement de l’entreprise». «Une revendication légitime aussi bien des opérateurs économiques nationaux que de nos partenaires étrangers. C’est donc un problème qu’il n’est pas possible ni d’occulter ni d’ignorer», a déclaré M. Naït Abdelaziz, président de la Confédération nationale du patronat algérien. Pour sa part, le secrétaire général de l’UGTA, M. Abdelmadjid Sidi Saïd, a indiqué que le «principal impératif qui tend à accompagner l’entreprise est que l’emploi doit être au centre de son développement».
«La réalité de l’économie mondiale nous commande plus que jamais de prendre un ensemble de mesures de nature à accentuer et à densifier l’activité économique nationale dans tous ses compartiments à travers une approche pragmatique visant le seul intérêt de l’entreprise algérienne. (…) La politique de réhabilitation de l’entreprise publique engagée par M. le président de la République et l’émergence de l’entreprise privée productrice de richesses ainsi que son accompagnement par les pouvoirs publics doivent constituer le socle de la substitution à terme d’une économie dépendant des hydrocarbures à une économie se développant au travers de la croissance des entreprises», dira le secrétaire général de l’UGTA. C’est dans ce sens que Sidi Saïd a plaidé pour la «relance du crédit à la consommation».
«Il est certain que la reprise du crédit à la consommation boostera la production nationale destinée à la large consommation», a soutenu Sidi Saïd, qui a avancé quatorze propositions visant à promouvoir et à protéger l’économie nationale.
A. B.